DRAGONSLAYER (1981)
LE DRAGON DU LAC DE FEU
Compositeur : Alex North
Durée : 73:24 | 25 pistes
Éditeur : La-La Land Records
Sorti aux états-unis deux semaines après Raiders Of The Lost Ark (Les Aventuriers de l’Arche Perdue), Dragonslayer allait marquer l’avènement d’une technique qui ne cesserait d’évoluer au cours des années suivantes, la firme d’effets spéciaux ILM ayant programmé par ordinateur les mouvements du dragon, ce qui représentait un exploit technique sans précédent. Enième succédané de Star Wars, le film narre le destin d’un jeune apprenti sorcier, Galen, combattant un vil despote et sauvant au passage une donzelle en détresse en affrontant un dragon baptisé Vermithrax Pejorative. En dépit de critiques plutôt positives, le film fit un four au box office, éclipsé cet été là par l’apparition de l’archéologue le plus célèbre du septième art. C’est grâce à l’édition vidéo que le film a depuis trouvé son public et qu’il est célébré pour son ambiance médiévale crue et ses effets spéciaux impeccables qui valurent à ses auteurs une nomination à l’Oscar, une seconde nomination étant attribuée au score d’Alex North.
En 1981, l’essentiel de la carrière de North est derrière lui. Soulignons tout de même encore Under The Volcano (Au-dessous du Volcan) qu’il composera en 1984 et qui sera également nommé à l’Oscar. En dépit de ses partitions imposantes pour de célèbres péplums des années 60, le nom d’Alex North est surtout associé à toute une série de films dramatiques pour lesquels ses musiques introspectives aux accents parfois jazzy ont été saluées. Dragonslayer marque son retour à un cinéma de grand spectacle, celui de Cleopatra (Cléopâtre), de Spartacus et de son score rejeté pour 2001: A Space Odyssey (2001, l’Odyssée de l’Espace). En acceptant de mettre en musique le film, North est conscient du faible niveau émotionnel du métrage, à l’exception d’une romance entre l’apprenti Galen et la jolie Valerian. Pour le reste du score, il tombe d’accord avec les producteurs pour s’inspirer de Prokofiev, déjà une source avouée d’inspiration pour Spartacus.
Disons d’emblée que Dragonslayer est l’antithèse d’un Dragonheart (Cœur de Dragon). Ici, point de mélodie facile ni d’emphase hollywoodienne. Comme de nombreuses autres œuvres du compositeur américain, le score d’Alex North requiert de l’auditeur une immersion et une attention de tous les instants pour qui souhaite en saisir l’intelligence et l’extrême subtilité. Au lieu de convoquer l’artillerie lourde pour nous propulser dans ce moyen-âge de sorciers et de dragons, North invoque la dissonance, l’abstraction et une certaine modernité musicale pour coller à l’ambiance générale du métrage.
Exigeante, la musique de Dragonslayer n’en est pas pour autant aussi hermétique que sa réputation le laisse parfois entendre. Certes, le choix d’une écriture rejetant les standards hollywoodiens pourra rebuter, mais l’effort d’adaptation de l’auditeur sera récompensé, croyez-en l’auteur de ces lignes pour qui Dragonslayer est longtemps resté « un truc inécoutable ». Oui, la musique de North est complexe, riche en contrepoints, lignes mélodiques multiples jouant les unes contre les autres et en motifs annonçant des évènements avant qu’ils ne se produisent (comme en témoigne le recours aux cuivres de tonalité basse utilisés comme pour mimer la voix du dragon bien avant qu’on ne l’aperçoive). Une approche qui fonctionne à la perfection : le score de North est totalement en phase avec le ton sombre du métrage.
Le film s’ouvre sur un motif de quatre notes associé au dragon et entonné par les cors, bientôt rejoints par les tubas et les cordes, les flûtes et les clarinettes. Le second motif entendu dans le film est rattaché aux villageois d’Urland, qui subissent le joug du dragon et doivent lui offrir en pâture de jeunes vierges pour épancher sa colère. Ce motif aux cordes est plus plaintif, il gagne en linéarité et son rythme est plus stable, la musique témoignant ainsi de la souffrance et des conditions de vie âpres des villageois. Associé à la magie, un troisième motif, mélancolique, est sans doute le plus accessible, faisant écho à un monde disparu où la sorcellerie régnait. Clairement inspiré de Prokoviev, un autre motif lié conjointement à Galen et à son amulette revient régulièrement au cours de la partition. Son écriture reflète une certaine légèreté pour témoigner de l’inexpérience du jeune homme en matière de magie. Le score comprend également un Love Theme associé aux deux jeunes gens qui diffère de l’ensemble du score par sa longue ligne mélodique et ses sonorités plus chaudes grâce à l’usage du hautbois et des cordes. En dépit de ses efforts concertés avec l’équipe du film, Alex North vit au final son score haché sur plusieurs séquences-clé, certaines sections éditées ou tout simplement supprimées, son Love Theme étant celui qui eut à en souffrir le plus.
Première édition officielle en CD du score d’Alex North, Dragonslayer signe la poursuite de la collaboration fructueuse entre l’éditeur La-La Land et le studio Paramount. L’éditeur propose ici l’intégralité du score, dans une version sonore éblouissante directement issue des masters du légendaire Eric Tomlinson (ingénieur du son pour les partitions des trois premiers Star Wars, de Superman et de Raiders Of The Lost Ark). Ces pistes ont été retravaillées par le non moins estimable Mike Matessino. Oubliée donc la présentation précédente, parue en 33 tours puis illégalement en CD à deux reprises chez SCSE dans une édition qui ne peut tenir la comparaison sonore. Pour la première fois, les morceaux sont présentés correctement et trois titres bonus complètent cette édition. Le livret est luxueusement agrémenté de nombreuses photos et les notes détaillées sont signées par Jeff Bond. Plongez dans l’obscurantisme, laissez-vous porter par la polyphonie médiévale d’un grand compositeur, tentez l’édition anthologique de Dragonslayer !