Terminator: Salvation (Danny Elfman)

Une mécanique bien huilée

Disques • Publié le 19/05/2009 par

Terminator: SalvationTERMINATOR: SALVATION (2009)
TERMINATOR : RENAISSANCE
Compositeur :
Danny Elfman
Durée : 50:32 | 15 pistes
Éditeur : Warner Bros. / Reprise Records

 

3.5 out of 5 stars

C’est en octobre 1984 que James Cameron effectue une entrée fracassante dans le monde du blockbuster avec The Terminator, petit film de science-fiction tourné à budget réduit qui va rapidement devenir aussi légendaire que rentable. Le compositeur Brad Fiedel apporte sa pierre à l’édifice : si sa partition est, pour des raisons budgétaires, uniquement synthétique, son thème mécanique et implacable marque instantanément les esprits tant il est simple, direct et efficace. Il faudra attendre 1991 pour que Cameron s’attelle à une suite très attendue, révolutionnant au passage le monde des effets spéciaux. Fiedel y affine son style et crée l’un des scores synthétiques les plus influents de la décennie. Alors que James Cameron passe la main, Arnold Schwarzenegger reprend du service en 2003 sous la houlette de Jonathan Mostow. Fiedel est alors remplacé par Marco Beltrami, qui livre une partition plus qu’honorable dans une parfaite continuité orchestrale des expérimentations électroniques de son prédécesseur, enrichie d’un magnifique thème romantique associé au personnage de John Connor. Enfin, c’est avec une surprise mêlée d’anticipation qu’est reçue l’annonce de la participation de Danny Elfman à la déclinaison 2009 de la saga Terminator : le moins que l’on puisse dire, c’est que le compositeur est attendu au tournant…

 

Terminator: Salvation

 

Plutôt que de procéder à une simple reprise du populaire thème de Fiedel, Elfman a préféré le déconstruire pour mieux le réécrire à sa façon, laissant curieusement de côté le martèlement rythmique si caractéristique de la franchise, alors même que l’on pouvait aisément s’attendre à un festival de percussions massives quand on connait le goût du compositeur pour les instruments rythmiques de toutes sortes. S’il n’en conserve que la partie thématique, on découvre dès les premières mesures de l’Opening une volonté d’apporter à l’ensemble un ton éminemment plus épique que les partitions de ses prédécesseurs : Elfman fait d’emblée appel à toutes les forces de l’orchestre, et donne aux cuivres une emphase toute particulière. Si les percussions y sont bien évidemment présentes, c’est dans une veine plus subtile, presque en retrait. Cette réinvention à peine reconnaissable de la mélodie originelle constitue d’ailleurs la seule véritable incursion thématique de la partition. Mais s’il s’agit bien d’un score monothématique, ce leitmotiv à la sauce Elfman sera cependant utilisé à loisir par le compositeur, apparaissant dans toutes les pistes de l’album sous des formes et des tons très divers, du plus héroïque (le magnifique crescendo épique de Broadcast) au plus amer en passant par une réécriture en forme de séquence d’action (Reveal / The Escape) et l’évocation d’un sacrifice (Marcus Enters Skynet) ou encore par l’usage occasionnel d’une trompette élégiaque (All Is Lost).

 

Ce qui apparait au premier abord comme un second thème, cette fois plus mélancolique, interprété par une simple guitare acoustique (la seconde partie de l’Opening) parfois soutenue d’une légère nappe de cordes (Fireside), n’est d’ailleurs en réalité qu’une autre variation du thème de Brad Fiedel. Si cette approche est simple et épurée, il faut aussi admettre qu’il s’agit d’un choix un peu facile de la part du compositeur, d’autant que c’est là que s’arrêtent les développements thématiques de la partition (ou, en tout cas, de sa représentation discographique). La tragédie est intense, sombre, cataclysmique, et il suffit pour s’en convaincre d’écouter les passages les plus tendus de la partition. Elfman y fait preuve d’un art consommé de la construction dramatique, mettant en avant l’intensité émotionnelle des enjeux : l’humanité faisant face à une extinction presque certaine. Ces passages distillent une angoisse qui ne se dissipera qu’à la conclusion : Salvation, dernière piste du CD, débute d’ailleurs par une reprise au piano de la variation «guitare» du thème dans une version plus sombre que jamais (qui fait penser aux moments les plus introspectifs du Lost de Michael Giacchino) avant d’évoluer vers une version lyrique plus sereine. Le musicien joue d’ailleurs avec bonheur sur cette opposition machines/humains, oscillant sans cesse entre un mélange de noirceur absolue et un héroïsme pétri d’humanité, teinté d’un espoir presque impalpable, ténu et pourtant obstiné.

 

Terminator: Salvation

 

Le reste du score consiste essentiellement en pièces d’actions dont les éléments électro-percussifs rappellent très fortement le Planet Of The Apes (La Planète des Singes) de Tim Burton. Cordes survoltées (The Harvester Returns), cuivres grondant aux puissants vibratos (Hydrobot Attack, qui fait imparablement penser à Batman et remet également en mémoire l’admiration d’Elfman pour Bernard Herrmann), multiples superpositions de rythmes électroniques et acoustiques, sur des tempi extrêmement mobiles et des crescendos déchainés (Marcus Enters Skynet). Bref, un petit catalogue des musiques d’actions d’Elfman de ces dix dernières années, de Planet Of The Apes à Wanted en passant par Proof Of Life (L’Echange). Cette énergie communicative culmine avec les ostinatos d’un climax déchainé (Final Confrontation). Il est d’ailleurs intéressant de constater que malgré la volonté affichée de générer un véritable sentiment épique, la composition se trouve sans cesse au bord de la dissonance, dans un style massif qui évoque à certains moments les pièces les plus ténébreuses d’Howard Shore pour la trilogie de The Lord Of The Rings (Le Seigneur des Anneaux).

 

Au final, Terminator Salvation est assurément plus abouti qu’Hellboy II, demi-échec pour lequel Elfman prenait également la suite de Marco Beltrami. Cette nouvelle partition bénéficie d’une belle écriture symphonique et d’orchestrations impeccables de Steve Bartek, sans pour autant que le compositeur fasse l’impasse sur son art consommé de l’écriture expérimentale ni sur la profusion d’effets et de programmations parfaitement intégrés à l’ensemble orchestral. Nul doute que certains y trouveront à redire, mais il faut reconnaitre que Danny Elfman conserve toujours sa capacité à surprendre sur des sujets qui, en apparence, ne s’y prêtent pas.

 

Terminator: Salvation

Olivier Desbrosses
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