Ricky : P. Rombi aux frontières du réel
Disques • Publié le 24/04/2009 par

 

RICKY (2009)

Compositeur :Philippe Rombi

Durée : 30:34 | 16 pistes

CD : Naïve (téléchargement uniquement)

Rating: ★★★★☆

 

 

Il est toujours réjouissant qu’un compositeur français trouve dans son pays matière à une collaboration artistique significative. Malgré des « infidélités » occasionnelles (mais justifiées) de la part du réalisateur, Philippe Rombi a très naturellement trouvé dans le cinéma de François Ozon, en plus d’un partenaire privilégié, un terrain d’expression qui sied parfaitement à sa sensibilité de musicien. Ricky est déjà la sixième collaboration entre les deux hommes qui, deux ans après l’exquise emphase mélodramatique d’Angel, reviennent ensemble à un ton nettement plus intimiste.

 

L’idée générale est limpide : faire du personnage de l’enfant (Ricky donc) l’argument central autour duquel est pleinement conçu l’accompagnement musical. De fait, en plus de donner naissance à un thème mélodique unique à la belle et apparente simplicité, il en gouverne également très logiquement la pertinence des interventions de bout en bout. Passé un court générique qui, malgré un côté étrangement mélancolique, permet de rattacher explicitement le thème au rôle-titre, il ne faut donc guère s’étonner de ne plus entendre la moindre note de la part du compositeur tout au long d’une première partie d’exposition qui à l’évidence ne pouvait qu’en pâtir : pourquoi en effet risquer de rehausser le réalisme social d’un quotidien grisâtre dans lequel François Ozon prend justement grand soin d’ancrer ses personnages ?

 

C’est donc la naissance de l’enfant qui change bien sûr radicalement la donne. Et c’est de la manière la plus discrète qui soit que s’opère alors l’entrée dans le fantastique et l’imaginaire. Indice fugace : la scène a cela de singulier qu’elle s’accompagne d’une musique presque fantomatique, non dénuée d’une certaine douceur mais sans cette franche joie et cette plénitude dont ce genre d’heureux événement est coutumier. Dès cet instant, Philippe Rombi place presque exclusivement son oreille (et la nôtre) du côté des deux protagonistes essentiels (la mère et sa fille) qui gravitent en permanence autour du nouveau-né. En d’élégantes variations qui font souvent la part belle aux sonorités évanescentes du piano, de la harpe, du xylophone, sur fond de bois et de cordes plus ou moins inquiets, parfois carrément oppressants, il traduit au travers de son thème omniprésent leurs émotions : l’anxiété souvent, la peur de l’inconnu ou l’incrédulité éventuellement, mais aussi la bienveillance manifeste vis-à-vis de Ricky, jusqu’à finalement céder à une fascination furtive mais bien réelle dont la conséquence s’avèrera dramatique autant que salvatrice… Le compositeur n’hésite pas au besoin à recourir à une certaine urgence dans les rythmes lorsque l’action le réclame (la scène du supermarché par exemple), mais plus que tout, quitte à prendre le spectateur à contre-pied dans ce que lui-même peut ressentir, il proscrit tout effet comique qui se serait à coup sûr avéré désastreux eu égard à la naïveté voire à l’absurdité apparentes de certaines réactions et situations (dont la plupart pourrait fort bien être tout droit sortie de l’esprit créatif d’un enfant).

 

S’il adopte donc le point de vue d’au maximum deux personnages à l’exclusion de tout autre (celui du père en particulier mais aussi celui d’un médecin, d’une foule par deux fois, etc…), pour autant le compositeur n’oublie pas d’honorer le spectateur en lui faisant un cadeau dont on peut dire qu’il est particulièrement précieux. C’est à lui en effet, et à lui seul, indiscutablement, qu’il réserve l’entrée de plain-pied dans le plus pur merveilleux, tout comme François Ozon la lui offre visuellement, loin cette fois des regards des protagonistes eux-mêmes. Et puisque pour cela le réalisateur opte pour une séquence nocturne (le nouveau-né dort dans son lit), à charge pour Philippe Rombi de rendre celle-ci des plus lumineuses…

 

Le film s’achèvera finalement en compagnie du thème principal dans sa version la plus accomplie, prenant la forme d’une délicate valse joliment ornementée, empreinte à la fois de l’innocence de l’enfance et d’une légèreté toute angélique. Malgré tout, il est probable que la clef de la partition, à l’image de celle du film, tienne plutôt en une brève introduction pré générique à première vue déconnectée de tout ce qui suivra. A l’écran résonnent d’abord des cris de jeux d’enfants et une comptine de mobile de berceau, vite perturbés néanmoins par des sonorités sourdes qui fixent immédiatement une empreinte pour le moins ambiguë. Est-ce un hasard si ce court instant sonore plus que musical rejoint de manière troublante la toute aussi brève signature souhaitée par J.J. Abrams pour la série Lost ? Du réel à l’irréel, ou comment formuler en quelques petites secondes un vrai postulat pour tout un récit et sa mise en scène…

 

Si on ne doute pas que François Ozon ait suggéré, du moins encouragé, l’approche musicale, qu’un compositeur parvienne à traiter avec autant de subtilité un sujet aussi périlleux est en soi un grand bonheur. Grâce en soit rendue au talentueux Philippe Rombi, Ricky est de plus une musique superbement orchestrée, particulièrement agréable en écoute isolée, à laquelle il est tout simplement difficile de ne pas succomber.

01. Ricky Thème (03:49)

02. Pré Générique (00:46)

03. Générique Début (01:12)

04. Naissance (01:10)

05. Les Premiers Jours (01:25)

06. Premiers Signes (02:51)

07. Nuit sur le Lac (01:31)

08. Julie et Ricky (01:19)

09. Evolution (01:16)

10. Conséquences (03:10)

11. L’Hôpital (01:04)

12. Seule (01:42)

13. Le Retour de Paco (01:24)

14. L’Envol (02:10)

15. La Révélation (02:05)

16. Générique Fin (03:49)


FICHE TECHNIQUE


Direction d’orchestre : Philippe Rombi

Orchestre : Orchestre Symphonique Bel Arte

Orchestrations : Philippe Rombi

Prise de son : Stéphane Reichart

Studio d’enregistrement : Studio Davout

 

 

Florent Groult
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