Lawrence Ashmore (1930-2013)

Disparition de l'orchestrateur privilégié de Patrick Doyle

Portraits • Publié le 08/03/2013 par

Singulier parcours que celui de Lawrence Ashmore, élève du Trinity College of Music puis du Royal College of Music à Londres où lui sont enseignés la composition et la pratique de la contrebasse et du tuba. Au milieu des années 50, le jeune homme commence sa carrière auprès du compositeur Gerald Finzi puis devient musicien d’orchestre, d’abord pour le Boyd Neel String Orchestra puis au sein des prestigieux London Symphony Orchestra et Royal Philharmonic Orchestra sous la direction de personnalités aussi fameuses que Josef Krips, Sir Malcolm Sargent, Sir Adrian Boult, Sir Thomas Beecham, Sir John Barbirolli, Otto Klemperer, Herman Scherchen, Aram Khachaturian ou Benjamin Britten.

 

Malgré une tentative avortée dans le domaine de la comédie musicale et une période de vaches maigres sous la forme d’une parenthèse de quelques années dans la restauration (en tant que cuisinier puis gérant d’un restaurant nommé Le Grisbi), Ashmore trouve le temps de composer abondamment pour des librairies musicales de toutes sortes et devient finalement copiste aux côtés d’un certain Ernie Lockett qui œuvre déjà auprès de différents compositeurs anglais et américains : c’est ainsi qu’il se retrouve à travailler pour les partitions de quelques grosses productions cinématographiques telles que The Fall Of The Roman Empire (La Chute de l’Empire Romain) ou Lawrence Of Arabia (Laurence d’Arabie). Mais il est très vite embauché au sein de la branche musicale de la BBC en tant qu’arrangeur et orchestrateur, participant notamment à la célèbre émission Top Of The Pops.

 

A la fin des années 60, il rencontre Angela Morley (alors encore Walter Stott) et l’assiste notamment sur Captain Nemo And The Underwater City (Le Capitaine Nemo et la Ville Sous-Marine). Elle lui propose bientôt de devenir l’orchestrateur d’un jeune compositeur nommé Michael J. Lewis : Upon This Rock en 1970 sera leur première association avant The Man Who Haunted Himself (La Seconde Mort d’Harold Pelham), Julius Caesar, Unman, Wittering And Zigo (Mort d’un Prof) et Theater Of Blood (Théâtre de Sang). Il assure également ponctuellement de menus travaux d’orchestration pour Maurice Jarre, Miklos Rozsa ou Johnny Mandel lorsque ceux-ci viennent enregistrer en Angleterre.

 

En 1978 néamoins, Lawrence Ashmore décide de changer de vie et quitte Londres avec sa famille pour s’installer sur l’île espagnole de Majorque : là, il participe à la vie culturelle locale, s’associe à des « bands » municipaux, compose pour l’Orchestre de Palma de Majorque et se consacre même un temps à la peinture. De retour en Angleterre à la fin de l’année 1987, il devient l’assistant du compositeur Howard Blake.

 

Peu après, le pianiste et arrangeur Brian Gascoigne, qui vient de décliner l’offre d’orchestrer la partition du Henry V de Kenneth Branagh, recommande Lawrence Ashmore auprès de Patrick Doyle : les deux hommes se rencontrent dans une loge à l’issue d’une représentation de la Renaissance Theatre Company et s’entendent immédiatement. Henry V sera ainsi la première pierre d’un partenariat privilégié qui durera pendant près de 18 ans et comptera notamment Shipwrecked, Dead Again, Indochine, Carlito’s Way (L’Impasse), Frankenstein, Sense And Sensibility (Raison et Sentiment), Hamlet, Harry Potter And The Goblet Of Fire (Harry Potter et la Coupe de Feu)… Entre temps, Ashmore prêtera épisodiquement main forte à des compositeurs tels que Trevor Jones pour Arachnophobia (Arachnophobie) et Cliffhanger, Laurence Rosenthal pour cinq épisodes de The Young Indiana Jones Chronicles (Les Aventures du Jeune Indiana Jones), Rachel Portman pour The Adventures Of Pinocchio (Pinocchio) ou encore Basil Poledouris pour Lassie, The Jungle Book (Le Livre de la Jungle) et Les Misérables.

 

En 2008, à l’issue de la production de As You Like It (Comme il vous plaira) de Kenneth Branagh, Lawrence Ashmore décide de vivre une semi-retraite, non sans s’être assuré du passage de relais avec James Shearman auprès de Patrick Doyle. Tout dernièrement, il était encore appelé pour conseiller et parrainer Lloyd Coleman, un jeune compositeur d’à peine dix-sept ans choisi pour composer Breaking The Wall, une pièce orchestrale de grande envergure célébrant les Olympiades de Londres en 2012.

 

«Ceux qui disent que la plus grande invention de l’Homme est la roue oublient l’orchestre symphonique.» Cette simple déclaration pourrait fort bien être la plus belle profession de foi imaginable pour n’importe quel compositeur ou chef d’orchestre. Elle était en tout cas la formule préférée de Lawrence «Larry» Ashmore, décédé le 4 mars dernier à l’âge de 82 ans.

 

Florent Groult
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