Fred Steiner (1923-2011)
Portraits • Publié le 04/07/2011 par

Aux yeux de beaucoup aujourd’hui, il est probable que le nom de Fred Steiner n’évoque guère plus qu’une homonymie qui a bien souvent par le passé fait de ce compositeur, à tort, un parent plus ou moins éloigné du grand Max. Au cinéma comme ailleurs, la richesse d’une carrière n’a jamais été un gage de notoriété…

 

Né le 24 février 1923 à New York, diplômé du Conservatoire d’Oberlin – l’une des plus anciennes institutions musicales des Etats-Unis – vingt ans plus tard, Frederick Steiner se voit offrir son premier travail à la radio auprès de Nathan Van Cleave : d’abord assistant et orchestrateur, il devient bientôt le directeur musical d’un émission intitulée This Is Your FBI. Mais dès 1947, il rejoint l’Eldorado californien et s’impose très vite là-bas comme l’un des tous premiers compositeurs à défricher des territoires télévisuels encore vierges : Man Against Crime est ainsi de 1949 à 1954 le premier grand show qu’il supervisera. Au cinéma, il prête d’abord main forte à des compositeurs tels que Lyn Murray pour The Prowler (Le Rôdeur) en 1951 ou encore Elmer Bernstein pour The View From Pompey’s Head en 1955, avant de signer ses premières grandes partitions pour Run For The Sun (La Course au Soleil) et Man From Del Rio (Le Tueur et la Belle) en 1956 puis pour la seule mise en scène de l’acteur Karl Malden, Time Limit (La Chute des Héros) l’année suivante.

 

Mais c’est bel et bien pour la télévision que Steiner va bâtir l’essentiel de sa carrière : celle-ci est définitivement lancée en 1957 lorsqu’il compose la première partition originale de la célèbre série en direct Playhouse 90 pour un épisode adapté de The Miracle Worker et réalisé par Arthur Penn. La décennie qui suit le voit ainsi participer, à différents postes (compositeur, orchestrateur, arrangeur et chef d’orchestre), aux plus célèbres productions de l’époque, au premier rang desquelles Gunsmoke, The Twilight Zone (La Quatrième Dimension) et surtout la série judiciaire Perry Mason pour laquelle il signe un thème musical charismatique et mémorable qui accompagnera le personnage jusqu’au début des années 90.

 

De plus en plus sollicité, il attache bientôt son nom à un ou plusieurs épisodes de séries aussi diverses (et pour certaines, mythiques) que Rocky & Bullwinkle, Have Gun Will Travel, Daniel Boone, Lost in Space (Perdus dans l’Espace), Hawaii Five-O (Hawaï Police d’Etat), Rawhide, The Untouchables (Les Incorruptibles), Wild Wild West (Les Mystères de l’Ouest), Hogan’s Heroes (Papa Schultz), Mannix ou encore Bonanza. Mais c’est sans doute auprès des trekkies du monde entier qu’il jouit à jamais d’une réputation sans faille, demeurant à leurs yeux le compositeur le plus inventif de la célèbre et cultissime série originale de l’univers de Gene Roddenberry, Star Trek, avec plus d’une vingtaine d’épisodes à son actif, mis en musique par ses soins entre 1966 et 1969.

 

 

Au cours des années 70, Steiner se tourne progressivement vers l’analyse musicale pour le compte de la section cinéma de l’U.S.C. (University of South California). Il s’intéresse notamment aux partitions de Bernard Herrmann, collabore à la fameuse publication d’Elmer Bernstein, Film Music Notebook, et ses écrits sont aujourd’hui reconnus comme les premiers du genre à traiter de musiques pour le 7ème Art. Au même moment, devant l’attitude inconsidérée des grands studios hollywoodiens qui, les uns après les autres, décident de détruire à terme leurs archives musicales, il accueille chez lui une réunion d’amis et pose avec eux les jalons de ce qui deviendra quelques temps plus tard la Society for Preservation of Film Music puis, jusqu’à aujourd’hui, la Film Music Society. En 1981, il obtient son doctorat en musicologie grâce à une thèse sur Alfred Newman et commence à donner des cours de composition, d’orchestration et d’histoire de la musique de film, toujours à l’U.S.C.

 

La production musicale de Fred Steiner a entretemps sensiblement ralenti. S’il apparaît encore aux génériques de quelques films, dont The Sea Gypsies (Les Naufragés de l’Île Perdue) en 1978, on ne retrouve guère son nom sur le grand écran que ponctuellement et plus ou moins officiellement, souvent en qualité de compositeur de musique additionnelle, d’arrangeur ou d’orchestrateur, ainsi qu’il a déjà pu le faire auparavant, par exemple auprès d’Alfred Newman en 1965 sur The Greatest Story Ever Told (La Plus Grande Histoire Jamais Contée) ou Airport en 1970. De la même manière donc, au gré d’aléas de post-production si fréquents dans le milieu cinématographique, il intervient pour le compte de Jerry Fielding sur The Deadly Trackers (Le Shérif ne pardonne pas), Jerry Goldsmith sur Star Trek : The Motion Picture (Star Trek : le Film), John Williams sur The Return Of The Jedi (Le Retour du Jedi), Brian May sur Cloak & Dagger ou encore Alex North sur The Penitent. En 1985, il partage même une nomination à l’Oscar au sein de l’équipe réunie et dirigée par Quincy Jones à l’occasion de The Color Purple (La Couleur Pourpre). Outre des téléfilms et quelques épisodes de la grande saga Dynasty (Dynastie), la télévision lui offre également encore quelques beaux rendez-vous, notamment un segment entier de Amazing Stories (Histoires Fantastiques) intitulé Life On Death Row (La Chaise Electrique) en 1986 et plusieurs épisodes de la série animée Tiny Toon Adventures (Les Tiny Toons) au début des années 90.

 

«Il n’est pas exagéré de dire de lui qu’il est l’un des hommes les plus appréciés au sein du petit monde de la musique de film», a un jour dit de lui son ami Tony Thomas. Retiré et installé avec sa famille à Ajijic au Mexique, un pays qu’il affectionne particulièrement depuis 1958, année à partir de laquelle il a travaillé pendant plus de deux ans pour, entre autres, créer une importante librairie musicale pour la télévision mexicaine, Fred Steiner est décédé le 23 juin dernier, à l’âge de 88 ans.

 

Florent Groult
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