Taboulez a écrit :J'ai fait une tentative sur l'unique CD de Musique Concertante: durdur... Je n'ai pas tenu 10 minutes. Dois-je persévérer ?
Je ne sais pas quelles oeuvres concertantes sont présentes sur ce coffret, mais si il y a ses concertos (notamment celui pour orgue, trombones et orchestre) alors clairement il FAUT persévérer
. Car à l'inverse des propos (un peu surréalistes
) d'Hellboy, ces oeuvres (je parle toujours des concertos là) font partie de la crème de la crème de son corpus musical (tous genres confondus)... Elles sont au contraire une extension de sa musique de film la plus expérimentale puisqu'elles vont encore plus loin dans certaines démarches jusqu'au-boutistes et font souvent preuve d'une richesse, dans la composition, et d'un degré de finition, finalement bien plus grand qu'une grosse moyenne des scores qu'il a livré (et ça se comprend: on ne peut pas accorder une attention toujours strictement égale sur 400 ou 500 BO).
Ces travaux sont authentiquement ambitieux ("prétentieux" ne veut absolument rien dire lorsqu'une oeuvre est riche, maîtrisée et fignolée comme c'est le cas ici... c'est un adjectif qui ne connait de signification réelle que devant des travaux simplistes et formellement mauvais, qui cherchent pourtant à faire genre
), complètement fous (voir carrément psychédéliques), au pouvoir de fascination assez énorme pour les amateurs d'expériences musicales et friands de partitions très très modernes !
Déjà,je commencerai mon éloge en remerciant Taboulez pour ce rappel à l'ordre ou tout au moins ce regard honnête sur
la création contemporaine du grand compositeur italien. Prétentieux? Ce le serait si MORRICONE n'était pas à la hauteur de
ce qu'il compose dans ce domaine alors que c'est tout-à-fait le contraire,que ses concertos,tous réussis,sont la démonstration
géniale de sa grande maîtrise en ce domaine ainsi que de sa riche inspiration. Bien sûr,c'est une musique sans aucune concession et je comprends que l'on puisse y être réfractaire,surtout si on écoute très peu de musique contemporaine,si on
est surtout conditionné par la bonne vieille musique tonale que nous aimons tous. De plus,MORRICONE,c'est un son,une
personnalité très forte,une expression très singulière et élaborée mais sa musique de concert n'est ni plus ni moins chiante,ni
plus ni moins prétentieuse que celle d'un BOULEZ ou d'un NONO,m'est même bien plus fascinante que celle d'un DELERUE ou
de ROTA.
Taboulez a écrit :Elles sont au contraire une extension de sa musique de film la plus expérimentale puisqu'elles vont encore plus loin dans certaines démarches jusqu'au-boutistes et font souvent preuve d'une richesse, dans la composition, et d'un degré de finition, finalement bien plus grand qu'une grosse moyenne des scores qu'il a livré (et ça se comprend: on ne peut pas accorder une attention toujours strictement égale sur 400 ou 500 BO).
Voilà enfin une remarque intelligente et objective,ce qui est très souvent le cas avec Taboulez,et suffisamment rare en ce
qui concerne MORRICONE (...tellement lu dans les forums tout et n'importe quoi à son sujet...) C'est complètement juste
de dire que ses créations pour le concert sont une extension de sa musique de film la plus expérimentale. On peut effectivement y voir un degré de finition,une richesse,bien plus importants qu'une grosse moyenne des scores qu'il a livrés
pour la raison que tu as évoquée,mais pas uniquement. MORRICONE a musicalisé beaucoup de films pour lesquels une
composition de la richesse de son CONCERTO N°4 per organo,due trombe,due tromboni ed orchestra,aurait été un véritable
désastre. J'écoutais aujourd'hui-même GLI INTOCCABILI et MORRICONE a composé pour ce polar un certain nombre de musiques d'ambiance,ce qui n'est pas étonnant,vu que les différentes actions du film se situent dans des bars de nuit,des
bars américains,que c'est cette approche qui a été retenue avec MONTALDO. C'est une musique totalement appropriée au
film car un film ne mérite pas forcément,à chaque fois,une partition du niveau du SACRE DU PRINTEMPS et l'art d'un compositeur de cinéma,c'est justement de savoir baisser son niveau pour servir au mieux le film qu'il s'est engagé de mettre
en musique. Lorsque MORRICONE signa,enthousiaste,pour LA CAGE AUX FOLLES,il savait très bien qu'il n'écrira pas là une
partition du niveau de MANI SPORCHE ou des DEUX SAISONS DE LA VIE. Une intrigue plutôt légère qui se situe essentiellement
dans un cabaret où on y entend généralement de la musique tonale parodique ou préexistante,va EXIGER de MORRICONE des
concessions extrêmes et une musique "easy listening" aux antipodes de ce qu'il compose pour le concert,une musique qu'il
n'aurait jamais composée autrement. Alors,une question s'impose? Pourquoi a-t-il composé pour ce genre de cinéma qui
l'oblige à faire de telles concessions alors que beaucoup de compositeurs contemporains refusent catégoriquement de prêter
leur talent au septième art pour justement ne pas avoir à faire ces "dites" concessions? Pour l'argent? Il aurait musicalisé
LA CAGE AUX FOLLES que pour se payer la toile d'un grand maître? Peut-être,et si il avait ri aux larmes comme j'ai ri,moi,
lorsque j'ai vu la mythique scène des biscottes et qu'il avait réellement eu envie de participer à ce projet? Toujours est-il qu'il
a su parfaitement capter la dérision de cette comédie et des deux séquelles qui suivirent. D'ailleurs,le dernier volet a donné
naissance à un album "easy listening" très plaisant et j'ai beaucoup de plaisir à l'écouter. Pourtant,dès qu'un film lui permit
de s'exprimer dans son "langage" le plus personnel,mais surtout de pouvoir développer ses idées musicales jusqu'au bout,il
ne manqua jamais l'occasion; UN UOMO A META,LA TENTE ROUGE,LA BATAILLE D'ALGER,MADDALENA,ORCA,GIORDANO BRUNO,DRAMES GOTHIQUES,L'EXORCISTE II,UN COIN TRANQUILLE A LA CAMPAGNE,L'OISEAU AU PLUMAGE de CRISTAL, MOSE,L'ATTENTAT,LES DEUX SAISONS DE LA VIE,HAMLET,WOLF,UNE PURE FORMALITE,LA LUPA,PASOLINI;un delitto italiano,MISSION,LES MAÎTRES DE L'OMBRE,MISSION TO MARS,LA SCONOSCIUTA...Je rajouterais volontiers le long morceau de UN HOMME A RESPECTER qui est un chef-d'oeuvre à lui seul,le thème principal de HAREM,le thème de QUEIMADA que la version concert a complètement "intemporalisé",les deux fabuleux morceaux composés initialement pour LA BIBLE de JOHN HUSTON et que l'on retrouve dans LE SECRET DU SAHARA d'ALBERTO NEGRIN. Il y a ce que j'appelle les grandes réussites du "compromis";ses compositions pour les films de LEONE et VERNEUIL,MARCO POLO,LES INCORRUPTIBLES,LA VENITIENNE,ALLONSANFAN,NOSTROMO,LA CALIFA,SACCO ET VANZETTI,MUSASHI,le sublime et incontournable DESERT DES TARTARES et les deux KAROL de GIACOMO BATTIATO et d'autres encore....