Je me suis donc repu de cet étonnant Baron Prasil. Et je ne suis pas encore revenu de la formidable ode à l'imaginaire que Karel Zeman, bricoleur de génie, a échafaudé grâce aux pièces, mécanismes et ressorts les plus disparates. Loin du fourre-tout imbitable qu'une telle fringale créatrice aurait pu engendrer, le film s'épanouit dans la miraculeuse harmonie de ses teintes sépia, de ses couleurs outrées, de son délicieux carton-pâte, de ses animations rudimentaires mais s'assumant fièrement comme telles, de ses péripéties à l'extravagance revigorante et d'une multitude d'autres choses qui auraient pu alimenter une quinzaine au bas mot d'excellents films fantastiques. Tentez vous aussi l'aventure, mes vertueux camarades d'UnderScores. Et parions que vous avalerez sans vous faire prier tous les merveilleux boniments de cette vieille canaille de baron.

Isao Takahata, l'autre éminence grise du studio Ghibli, ne peut s'enorgueillir, loin s'en faut, de l'impénétrable bouclier critique et des faveurs colossales du public dont son illustrissime collaborateur Miyazaki a bénéficié jusqu'à son film testament. Le génial auteur d'Omoide Poro Poro et d'Hotaru no Haka (Le Tombeau des Lucioles) n'a pu qu'en faire à nouveau la constatation (d'ailleurs passablement amère, si j'en juge par le mordant de ses dernières interviews) face au demi échec de son superbe Kaguya Hime no Monogatari. En France comme au Japon, on ne peut pas dire que les foules ses soient déplacées en masse pour s'abîmer dans la religieuse contemplation de cette merveille, qui adapte l'une des légendes connues de tout l'Archipel avec un fatalisme lyrique dont Kenji Mizoguchi lui-même eût été fier. C'est probablement dans l'intégrité jusqu'au-boutiste d'un tel projet que l'on trouvera les causes de son insuccès, et aussi, parions-le, dans le choix d'une esthétique crayonnée, semblable à une monumentale estampe soudain douée de vie, qui prolonge les audaces plastiques de Hohokekyo Tonari no Yamada Kun (Mes Voisins les Yamada) tout en les radicalisant au travers d'une poignée d'incroyables scènes oniriques. Il n'est peut-être pas trop tard pour attraper le film dans les salles, bien qu'il les ait pour la plupart déjà désertées. Alors courez-y.

Oh que je suis d'accord avec toi ! Quelle beauté ce DA, et quel plaisir de voir autre chose que l'esthétique Ghibli habituelle, sans même parler de l'esthétique 3D internationale qui occupe massivement le terrain. Apparemment le grand public ne supporte pas autre chose... tant pis pour eux. Takahata est un artiste, voilà tout.

Alors ça, pour une volte-face ! Après un Jin-Roh étouffant froidement toute lueur d'espoir et d'humanité sous les méandres d'un thriller paranoïaque, le revenant Hiroyuki Okiura s'amuse cette fois à mêler dans Momo e no Tegami (Lettre à Momo) le classicisme d'un récit d'initiation loin du tumulte des grandes villes et un trio de Yokai facétieux. Une approche doublement japonaise, donc, pour ce film très sage (d'aucuns soupireront "conventionnel") mais d'une confection méticuleuse, tant dans la limpidité d'une dramaturgie faussement simpliste que dans l'hyper-expressivité de ses personnages. Et puis ces Yokai en vadrouille font quand même une chouette bande de Pieds nickelés.

J'avais été déçu par le côté convenu de Lettre à Momo, surtout de la part du réal de Jin-Roh (dont la qualité était peut-être surtout due à l'histoire de Mamoru Oshii ?). De plus j'avais trouvé la fin tire-larmes, peu subtile et du coup vraiment lourde... mais oui les Yokai étaient vraiment sympathiques et rendaient le film agréable à suivre.

Je ne sais pas si un fana d'anime en a déjà parlé, mais j'attends dorénavant avec beaucoup d'impatience le film Miss Hokusai, qui sort chez nous début septembre.
Et avec cette bande-annonce, je me dis que l'on pourrait également y trouver une chouette musique (composée par Harumi Fuki, que je ne crois pas connaître).

DarkCat a écrit :Je ne sais pas si un fana d'anime en a déjà parlé, mais j'attends dorénavant avec beaucoup d'impatience le film Miss Hokusai, qui sort chez nous début septembre.

Le doué Keiichi Hara s'attaquant à un pan ancestral de la culture nippone : voilà de quoi faire rougeoyer quelques braises sous la curiosité du vieux Van Cleef !

Je reparle du magazine trente ans et demi, parce que je viens de l'acheter et parce qu'on y trouve une interview de Joe Hisaishi, pour les amateurs... (Et dans un autre genre, une de Noam )

2flicsamiami a écrit :Pour ma part, j'ai vu ce mercredi Le Garçon Et La Bête. Un très joli film d'animation qui confirme le talent de Mamoru Hosoda, dont j'avais adoré La Traversée Du Temps et Summer Wars. Une belle écriture, intelligente, drôle, émouvante, où l'on retrouve les thèmes chers au réalisateur (porosité entre le réel et l'imaginaire, entre l'individu et son environnement) alliée à une animation très dynamique

Tu me pardonneras, j'ose l'espérer, joyeux compagnon, de t'avoir agrippé avec tant de rustre familiarité pour te jeter dans ce topic. Mais je me disais justement que l'endroit n'avait plus reçu la moindre visite depuis un bout de temps... Rassure-toi cependant, loin de moi l'idée de t'abandonner à un déprimant soliloque. Car j'ai vu le film également, et mon enthousiasme est le tien. J'irai même jusqu'à affirmer, péremptoire, que les rapports maître-disciple, qui constituent un noeud essentiel du cinéma d'arts martiaux, sont ici les plus insolents et savoureux que l'on ai vus depuis les heures glorieuses de la comédie kung-fu hongkongaise. Rien de moins ! Hosoda a probablement fait mieux encore par le passé (l'époustouflant Summer Wars), mais je ne vois pas comment son statut d'auteur de premier plan pourrait aujourd'hui lui être contesté.

Après avoir lu des articles très positifs sur la chose ainsi que vos deux commentaires, ce film est sur ma top liste prioritaire.

PETIT film d'animation réalisé par ma nièce dans le cadre d'un travail d'équipe de son école d'animation d'Arles et pour le Festival D'Annecy.



N'hésitez pas à lui faire part de vos commentaires

Scorebob a écrit :N'hésitez pas à lui faire part de vos commentaires

Comme on dit de nos jours, c'est tichoux tout plein. Mais quelques shuriken fendant l'air ici et là n'auraient pas été de trop pour dynamiser l'ensemble.

J'ai bien failli omettre de vous parler d'Anomalisa, mes bons camarades. Pour une fois qu'un long métrage d'animation américain ne fait pas la danse du ventre en direction du sacro-saint public familial, ç'aurait vraiment été nigaud de ma part. Comme de bien entendu, cet étrange film en stop-motion a payé d'un gadin financier sans appel l'anticonformisme qui court dans ses veines. Figurines manipulées par de talentueux marionnettistes ou cinéma live, on pourrait également objecter que personne, à la base, n'avait envie de s'infliger 90 minutes durant l'existentialisme cafardeux d'un héros esseulé, qui erre dans les couloirs d'un hôtel aussi inquiétant que celui de Barton Fink et ne prête à la foule des anonymes qu'un seul visage, entre les lèvres duquel s'échappe immanquablement la voix de Tom Noonan. Un peu d'amour va pourtant éclore, telle une fleur délicate et fragile, au sein de cet univers inhumain... Il en résultera l'une des plus belles étreintes que je me rappelle avoir vues ces dernières années à l'écran, qui émoustille moins qu'elle n'émeut dans l'attention privilégiée qu'elle accorde à toutes les petites maladresses des amants se découvrant l'un l'autre. L'un des moments forts d'une oeuvre passionnante, mais dont la poésie gris anthracite ne trouve que d'erratiques échos dans une mise en scène un peu trop fonctionnelle.

Le dernier Laika est en demi-teinte. Les objectifs épiques et merveilleux qu'il s'est fixé s'accommodent cahin-caha du traditionnel humour en rase-mottes des productions animées US, et tendent même à parfois se diluer dans des décors étrangement vides. Kubo and the Two Strings n'en reste pas moins un film spectaculaire, où la stop-motion atteint un vrai acmé de minutie, ainsi qu'une méditation pleine d'apaisement sur l'inexpugnable magie des histoires qui se transmettent de bouche à oreille, ou encore, comme ici, par le biais d'origamis aériens. C'est même en lui en racontant éhontément quelques-unes, d'histoires, que le jeune héros et ses amis parviennent in fine à défaire leur tout-puissant ennemi. Ce final ne va d'ailleurs pas sans soulever de passionnantes ambigüités morales, auxquelles le public américain, qui n'aime décidément pas qu'on rudoie son petit confort, s'est montré tristement hermétique. Arrivera hélas un moment où Laika ne se relèvera pas d'une ixième déroute dans les salles obscures. Et ce jour-là, nous n'aurons plus que nos yeux pour verser des larmes rouges face à l'hégémonie quasiment plus contestée des gros studios hollywoodiens dans le domaine de l'animation...

Mon cher Lee, je ne suis pas d'accord avec toi. J'ai trouvé ce KUBO, vu au cinéma dans une salle quasi-pleine (ça fait plaisir), étonnant à la fois pour la dimension rhétorique et l'aspect féérique (presqu'un conte de Grimm finalement). Les ellipses et la qualité de l'animation, et là je vais dans ton sens, sont tout bonnement bluffantes. Car il ne faut pas oublier que le public visé par ce film est avant tout jeune (entre 7 et 10-12 ans) et que le film réussit à intéresser de manière transgénérationnelle ! C'est un film avec au moins deux niveaux de lecture que Laika nous propose, et rien que ça, ça s'applaudit !! La relation entre KUBO et sa mère est évoquée avec beaucoup de pudeur par les auteurs, là où certainement d'autres auraient mis le paquet sur le larmoyant ! Le rencontres de KUBO avec le singe et le scarabée sont intelligentes, bien pensées et surtout amenées avec finesse. Bref, un très très joli film.

Ton point de vue se défend, ami Sam, et même un petit peu plus que ça. Ne suis-je pas, après tout, en accord avec la plupart des louanges dont tu viens de ceindre Kubo ? Mais le cas Laika, qui fait montre film après film d'ambitions sans commune mesure avec la soupe coagulée que touillent d'un air neurasthénique les majors hollywoodiennes, m'interpelle au moins autant que celui de Pixar. Voilà deux studios rivalisant d'audace dans l'élaboration de concepts "autres" (Up, initialement, n'est que l'expression d'un fabuliste poétique), mais toujours contraints, de gré ou de force, d'assaisonner au goût du jour les singuliers éléments avec lesquels ils jonglent et pirouettent. Faut que ce soit mouvementé, faut surtout pas que la petite famille pique du nez dans son carton de pop-corn, faut qu'il s'y passe à tout bout de champ des trucs rigolos... Un cahier des charges copieusement garni, toujours le même au fil des ans, en vérité, et qui me donne souvent l'impression de débouler chez les deux ténors de l'animation en volume comme un chien gueulard dans un jeu de quilles.

Non seulement je suis d'accord avec ce constat, mais j'ai un remède à proposer : ma vie de courgette ! Une chronique enfantine mais pas infantile, émouvante et drôle, passée un peu vite sur les écrans... que n'en ai-je parlé plus tôt !

Sinon, le constat de Lee a hélas tendance à se confirmer tous azimuts. Il n'y a pas si longtemps, le charme minimaliste des "Minuscules" se trouvait dilué dans une vulgaire histoire guerrière entre insectes, qui se voyait cumuler nombre de poncifs supposés nécessaires à un exploitation mondiale. De même pour Le petit Prince. Mais malheureusement, vu le budget nécessaire pour un film de ce type, est-il possible de s'y prendre autrement ?

"Nan mais faut pas croire, hein, moi j'y vais que pour la musique de Lennertz, et puis voilà", se défendra certainement Pazu s'il est surpris dans l'une des files d'attente (démesurées !) conduisant à la projection de Sausage Party... Fais-moi confiance, camarade, ce cher vieux Bobby-Boy et notre Ecclésiastique, tous deux bouillant d'une rubiconde indignation, ne prendront pas cette entourloupe pour argent comptant ! Remarquez, j'ai l'air de me gausser comme ça, mais allez savoir si ce ne sont pas eux qui ont pété tout un stock de durites et écrit rageusement le pamphlet incendiaire que voici. Outre que nous est révélé dans cette salutaire mis en garde le danger mortel qu'incarne la pornographie, et en comparaison duquel la drogue n'est que peccadille, l'auteur passablement courroucé a mis à notre disposition un lien dévoilant un peu du film impie. Vous ne voulez pas voir cela ! martèle le protecteur de nos âmes. Il en va de votre salut ! Evidemment, le vieux Van Cleef, ayant fait un sort depuis longtemps à l'ultime parcelle d'innocente lumière qui demeurait en lui, ne risquait plus guère d'aggraver son cas, largement compromis déjà. Aussi, actionna-t-il sans peur le lien fourni avec tant d'obligeance. Le verdict est sans appel : je veux voir Sausage Party. Rejoignez-moi sous le drapeau noir des irrécupérables brebis galeuses, mes frères d'UnderScores, et ensemble, faisons triompher le mauvais goût plutôt que de le laisser conduire au bûcher par des batraciens de bénitier !

Je te suis les yeux fermés ! (avant de les ouvrir pour voir des saucisses forniquer !)

Riez donc tant que vous le pouvez encore car je vous le dis , le destin de ces maudites saucisses fornicatrices est déjà scellé:

https://cdn-az.allevents.in/banners/090 ... dbfb5834da

mouha ah ah ah ah ah !

il y a pire :



Sinon, vous avez plus de 12 ans, j'espère ! Vos papiers !

Hotaru no Haka (Le Tombeau des Lucioles) n'est pas tombé dans l'oeil d'un aveugle. Non pas que Kono Sekai no Katasumi ni (Dans un Recoin de ce Monde) puisse être défini comme une resucée scrupuleuse du chef-d'oeuvre de Takahata. Mais les deux films ont en commun la sensibilité imprégnée d'une douce fantaisie grâce à laquelle ils rendent palpable la détresse du "Japon d'en bas" embrasé par les feux meurtriers de la Seconde Guerre mondiale. Ceci, sans conteste, est l'atout numéro un d'une oeuvre dont la modestie lui barre la route conduisant au panthéon de l'animation nippone autant qu'elle se porte garante de son charme tenace.

Plus le temps passe, moins le vieux Van Cleef encaisse cette forme assez bêtasse d'humour qui consiste à téléporter les attributs emblématiques de notre pimpante modernité vers d'autres époques, d'autres dimensions, d'autres cadres où l'on se gardera bien de leur faire puiser un sens nouveau. Le gag, parfois, occasionne quelques rires francs du collier, à l'instar de cette messagerie vocale "comme si vous y étiez" qui revient de façon récurrente dans Early Man. Hélas, le décor préhistorique du dernier Aardman n'est surtout qu'un prétexte à emballer un football movie où tous les clichés de la catégorie jouent des coudes et des crampons. C'est techniquement chiadé (voilà bien le moins qu'on puisse attendre de Nick Park et de sa bande), mais assez peu rythmé et avare des surprises qui revigorent d'ordinaire chez les maestros de la pâte à modeler.

Isao Takahata, un grand de l'animation et un des pères-fondateurs du studio Ghibli, vient de nous quitter à l'âge 82 ans.
"Le Tombeau des Lucioles" m'aura marqué pour la vie.

On peut aussi citer la série "Heidi", "Le conte de la princesse Kaguya", "Horus, prince du soleil" ou "Mes voisins les Yamada" et "Omohide poro poro". Je n'oublie évidemment pas "Pompoko", un superbe film, hélas un peu délaissé, mais qui doit être absolument réévalué à sa juste valeur.

RIP!