Je l'attendais ce trône de fer !
(Attention il y aura peut-être des
spoilers là-dedans, cette fois je préviens !)
Et, phénomène étrange, je ne sais pas encore quoi en penser tellement, parce que ce premier épisode est exactement comme je l'imaginais. Difficile aussi, d'imaginer ce qu'en pensent ceux qui n'ont pas lu les livres, puisque je les connais bien. Impossible pour moi d'imaginer la qualité de la construction dramatique.
Bien sûr, ce premier épisode est un exercice difficile pour les scénaristes: produire suffisament d'exposition pour qu'on comprenne les enjeux et les personnages principaux du récit. C'est sur ce point que l'épisode m'a le plus impressionné. En deux phrases le statut de john Snow et de sa fratrie est décrit. Quand il s'adresse à Arya, il dit: "Père nous regarde", et finit sa phrase en parlant de "ta mère". Et hop, John est un bâtard, et Arya est sa demi-soeur. L'épisode entier est une succession de scènes d'exposition, mais par le biais de dialogues entre les personnages, qui ne donnent presque jamais l'impression de s'adresser au spectateur, mais bel et bien d'interragir. Comme dans la scène des catacombes, entre Sean Bean et Mark Addy.
Les acteurs, justement. Peut-être, étonnamment, est-ce là que la série va avoir un de ses points faibles. Sean Bean, s'il est efficace nous rejoue une partition qu'il a déjà tellement jouée qu'on peut ne pas se sentir forcément très impliqué par son personnage. Ses hésitations à accepter la proposition du roi m'ont paru surjouées et artificielles. Si on compare la série à Rome, il n'y a là, à mes yeux, aucun acteur au charisme aussi immédiat que Ray Stevenson ou Ciaran Hinds.
Toute la direction artistique est à la hauteur des attentes. Le sens du détail est très poussé, bien au delà du nécessaire. Par exemple, Daenerys et son frère portent des broches à l'effigie d'un dragon tricéphale, emblème de leur lignée Targaryenne. Ce n'est pas formulé dans le dialogue, ça aurait été pourtant facile de le faire, par exemple au moment ou sont offert les trois oeufs. Voilà une forme de subtilité agréable, qui donne envie de scruter chaque arrière plan, chaque tenture à la recherche de détail narratifs.
La mise en scène, hélas, comme toujours avec les séries est le point faible. On aurait bien envie que ce soit filmé comme Le treizième guerrier tout ça, tellement tout est construit en dur, en vrai, mais c'est plutôt filmé comme n'importe quel show du câble américain. Même si on est là dans le haut du panier (parce que par ailleurs, j'ai vu aussi
Camelot, aïe aïe aïe... C'est encore plus drôle que la version de Astier, et tellement moins respecteux du matériaux d'origine...)
La direction photo est belle et évite presque toujours l'aspect métallisé de mise depuis le seigneur des anneaux. Il y a quelques lumières très belles, par exemple sur le visage d'Emilie Clarke au bord de l'océan la séparant de son royaume.
Les scènes d'actions... Ah là il n'y en avait pas, hormis le prologue impecable, malgré, là encore, une mise en scène un peu molassonne, et un montage pas bien nerveux.
La musique, elle, hormis un main title effectivement sympa (style RC: pulsation de percus et boucle mélodique de violon répétée ad nauséam ) le reste est à peine de la musique, mais plutôt du sound design- Une scène de banquet ? Et hop un kilomètre de tam tam ethnique. une scène de trouille ? Et hop un kilomètre de grondements de basses. A mise en scène égale, beaucoup d'image aurait certainement pu être magnifiées par une musique à la hauteur. Quel dommage. Pour le prologue, par exemple, je rêvais d'une comptine à la Goblin,
- qu'un Powell, voire un Charlie Clouser aurait su nous trousser.
Et la profusion de personnages aurait évidemment mérité un traitement thématique soigné. Ben il faudra l'imaginer tout ça.
Reste que pour le lecteur des livres, la série risque bien de se limiter à constater comment aura été mis en images les évènements marquant du premier volume.
Pour les autres, à comparer avec un série historique, je me demande si l'absence de faits avérés à l'origine du scénario ne va pas être un handicap. L'énorme avantage d'un série historique, c'est que les spectateurs en connaissent suffisament pour avoir un horizon d'attente, et on peut jouer avec (ex: le traitement de Cléopatre dans Rome ), et qu'il en connaissent suffisament peu par ailleurs pour qu'on puisse créer (le parcours de titus Pulo et Vorénus, dans Rome, encore un fois...)
tout va donc dépendre, exactement comme dans les livres, de la capacités des showrunners à nous impliquer dans le drame des personnages. Dans le livre, c'est permis par les voix intérieures, et le principe des croisements des points de vue entre les différents chapitres. Moyen exclus de la série. Le premier épisode, de ce point de vue, n'est pas extrèmement prenant, puisqu'il rejette hors champ les moments les plus dramatiques et émotionnellement prenants:
Est-ce que la série contient suffisament d'enjeu concrets pour accrocher ? Pour le moment, la conquête du trône n'est pas forcément un objectif très sensible... Est-ce qu'après tout le déferlement de fantasy, les spectateurs ont envie de se payer une tranche de ce qui a tout les aspects extérieurs d'un Seigneur des anneaux-like ?
Nous le saurons peut-être au prochain épisode !