John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Lee Van Cleef
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John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Cette idée de topic me trottait dans la tête depuis longtemps, et les occasions de le mettre sur pied n'ont jamais manqué (les rééditions chez Bragelonne des textes de Two-Gun Bob, l'annonce d'un nouvel épisode cinématographique des aventures du colossal Cimmérien, les rumeurs sans cesse renouvelées d'une intégrale de la musique du roi Basil), mais ce qui m'a finalement décidé est la toute récente intervention d'un Greg goguenard, qui louait le génie de Howard pour mieux torpiller le Conan revu et corrigé par Milius. J'imagine qu'un réflexe pavlovien a dû pousser les adorateurs du film (et Crom sait qu'ils sont nombreux sur UnderScores) à vociférer au blasphème et à l'hérésie, mais toute réflexion faite, il y a du vrai dans ce qu'a si impitoyablement affirmé notre compagnon. Combien de fans persistent à s'enflammer sur la prestation d'Arnold, proclamant que ce dernier était assurément "né pour le rôle" ? Et pourtant, je suis prêt à parier tout un lot de shuriken que bien peu d'entre eux se sont penchés sur les nouvelles de Robert Howard, et n'entretiennent du coup qu'une vision parcellaire et brumeuse du personnage de Conan tel que l'avait conçu son fabuleux géniteur.

J'appelle donc à la rescousse les familiers de l'oeuvre pléthorique du Texan, pour tenter de jeter une lumière savatrice sur les rapports tumultueux et souvent conflictuels entre le Conan littéraire et le Conan pelliculé. Je pense en particulier à Wyatt qui, si je me souviens bien, avait autrefois déclaré que Milius s'était chargé de rendre les écrits de Howard "moins cons", sans davantage étayer cette opinion pour le moins surprenante.
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Soundtrackman
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Il conviendrait de se replonger dans l'intégralité des oeuvres d'Howard...
Ce monsieur a écrit une quantité astronomique de livres en un temps record.
Les éditions NEO proposait des préface du traducteur François Truchaud qui expliquait comment travaillait l'auteur, il arrivait qu'il livra un texte sans l'avoir corrigé d'ou des erreurs parfois enormes...
Dire que ces écrits étaient "con" est un peu lapidaire...
C'est une oeuvre sérialesque...
Il faut se plonger dedans et avancer, ne pas trop se poser de questions...
Un de mes meilleur/pire souvenir d'un texte d'Howard reste un nouvelle de son personnage d'EL BORAK qui s'arretait en plein milieu d'un mot !!!
Maintenant CONAN, Milius a fait un film, il a interprété le personnage a sa façon...
J'ai lu les textes il y a une vingtaine d'années et l'interpretation de Milius m'a tpoujours plu surtout que la plupart des rebondissements du films proviennent des textes eux meme...
Et pour en finir, il suffit de lire les nouvelles de Sprague de Camp et Lin Carter pour se rendre compte qu'il existait bien un style Howard, et que, malgré d'indéniable défauts, il comminiquait une incroyable energie...
J'aime le film de Milius comme j'ai aimé lire les textes d'Howard...
Je suis peut etre hors sujet cher Lee, mais merci de m'avoir fait ressortir quelques tomes du Cimmérien de ma bibliothèque d'ou ils dormaient depuis quelques décénnies !!
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Lee Van Cleef
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Pas le moindre hors-sujet à l'horizon, sois rasséréné, camarade ! Mais pour ce qui est des mots de Wyatt sur le sujet, ils sont d'autant plus déconcertants que notre fier marshal est, pour autant que je sache, un grand admirateur de l'oeuvre de Howard (pas forcément sous toutes ses facettes, mais il raffole bel et bien des nouvelles dédiées au plus célèbre des Cimmériens). Autant dire que quelques éclairantes précisions de sa part seraient les bienvenues.
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Wyatt Earp
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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C'est tout simple, Lee : je trouve le film de Milius beaucoup plus profond et romantique (enfin, romanesque, quoi) que les écrits de REH. Ecrits que j'adore par ailleurs justement parce qu'ils sont à la fois lyriques dans la forme et bruts de décoffrage dans le fond. En réalité, le Conan de Fleischer est bien plus proche de celui de REH : on a vu le résultat...Le Conan de Milius reste lui très moderne parce qu'il traite non seulement de la lutte de l'individu contre le pouvoir mais aussi de la religion, des sectes... Des thèmes universels et intemporels, déjà abordés chez REH mais de manière beaucoup plus simpliste.
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Pierrebrrr
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Je connais très bien les nouvelles originales de Howard, à ceux qui ne les connaissent pas, on ne peut que recommander les éditions (définitives ?) proposées par Bragelonne. Elles proposent des traductions revues (plus proche du langage parfois à l'emporte pièce de la version américaine ) et surtout un appareil critique passionnant, qui prends (enfin) Howard au sérieux, soit un auteur au moins du calibre de Lovecraft, et dont l'écriture ne peut objectivement pas être ramenée au niveau du simple "serial"- c'est une vision du monde (complexe, si, si) qui s'y developpe, ambigüe, et cette vision est soutenue par un vrai style littéraire. Ce qui a le plus vieilli dans les nouvelles de Howard, ce sont sans doute les intrigues proprement dites- finalement un aspect très superficiel.
Est-ce que le film (le seul hein, celui de Milius ) "respecte" le Conan de Howard ?
Sans aucun doute non- tout comme Jackson n'a vraiment pas "respecté" le Seigneur des Anneaux.
Dans le cas de Conan, Howard n'est pas un penseur d'avant-garde. Beaucoup des idée véhiculées dans Conan sont typiques de leur époque. Principalement, on va dire, le regard sur les femmes, celui sur l'humanité non blanche, et la fascination pour la figure du combattant et de la force physique. Une fois qu'on a dit ça, on n'a pas dit grand chose, vu que l'oeuvre de Howard (même à l'intèrieur du seul "cycle" Conan ) évolue, et n'est pas du tout d'un bloc.
Ce qui, chez Milius, n'a rien de howard, c'esr d'abord la longueur de dévellopement du récit: Howard n'a fait de Conan qu'un personnage de nouvelles, quasiment, et souvent, l'action est assez ramassée, s'étalant sur peu de temps. L'idée de montrer l'évolution d'un personnage, comme le fait Milius est une aberration au sens Howardien. Pour Howard, les histoires de Conan étaient des sortes de "fragments", sans continuité, il pouvait être roi dans une histoire, pirate dans la suivante, générale d'armée ensuite... L'idée d'une chronologie de Conan est une idée des continuateurs de l'oeuvre.

L'idée d'un Conan qui pense, qui réflechit (une des plus belles choses du film, à mes yeux, c'est cette manière de filmer la pensée comme un acte, voir toutes les scènes dans lesquelles Conan est montré en train de songer, de réfléchir, perdu dans ses reflexions ). ça, ce n'est pas vraiment le Conan de Howard, qui est plutôt un personnage intact d'un bout à l'autre de ces histoires, capable de reflexion- et d'opinion- mais toujours dans le même système de pensée. Intellectuellement, le
Conan de Howard n'évolue pas.
Je disais plus haut que la chronologie des aventures n'a pas de sens (littéralement !) dans les nouvelles de Howard, et du coup, comme elle est fondamentale dans le film (l'enfance traumatisée comme origine du récit ), logiquement, un des thèmes centraux du film -la filiation, le rapport au père- n'existe absolument pas chez Howard. C'est pour moi la plus grosse différence entre le film de Milius et le Conan des nouvelles. Le dialogue final entre Conan et Thulsa Doom est impensable chez Howard (qui a passé ses 30 ans d'existence avec sa maman, rappelons-le, il aurait sans doute eu des choses à dire, sur le rapport au papa... :mrgreen: ).
Je ne trouve pas que le film de Milius soit plus complexe ni plus profond. Sur le rapport au pouvoir, à la justice, il y a aussi une vision chez Howard, peut-être exprimée de manière plus périphérique au récit. Dans la reine de la côte noire, par exemple, le récit au début de la nouvelle de l'évasion de Conan d'un tribunal vaut son pesant de cacahuètes dans le registre judiciaire.

Quand à savoir si Milius est plus romantique que Howard, ça dépend de ce qu'on entend par romantisme.
Si c'est une certaine idée du rapport entre hommes et femmes, il y a certainement une importance des personnages féminins chez Milius qui n'est pas présente chez Howard. L'idée d'un Conan amoureux tel qu'on le voit chez Milius est aussi inimaginable chez Howard. Avec l'écrivain, c'est plutôt " Johnny fait moi mal ".
Si on entend par romantisme un rapport au paysage, à l'individualité au sens qu'on entend par exemple dans la peinture du 19eme siècle, je crois que Howard est hyper romantique, au contraire.

Bon, voilà, il y aurait mille choses à dire encore, surtout qu'à mon avis, ceux qui adorent l'écrivain HOward ne peuvent pas être complètement insensibles au Milius cinéaste, parce que l'un et l'autre partage des visions du monde très proches.

C'était un peu long, par Crom, mais il faut bien ça pour le plus grand des barbares !

P.S: C'est Patrice Louinet qui s'occuppe de Howard chez Bragelonne. On a beaucoup de chance, parce que c'est le plus grand spécialiste de Howard, et qu'il est français, faisant du Texan un écrivain bien plus reconnu (et disponible ) chez nous. Tous les textes qui accompagnent ses editions des nouvelles sont passionnants.
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Edern
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Merci beaucoup Pierrebrrr pour ton post des plus instructifs! Il va falloir que je me plonge dans le premier volume de Conan chez Bragelonne, qui soutient la pile de livres sur ma table de nuit depuis trop longtemps :mrgreen:
(d'Howard, je n'ai lu pour l'instant que certaines aventures de Solomon Kane, que j'ai dévorées)
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Soundtrackman
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Tres beau texte de l'ami Pierrebrrr qui parle toujours avec passion sur ce site !!!
C'est un coup a balancer par la fenetre les vieilles éditions NEO et J'Ai lU pour reprendre les nouvelles traductions...
Mais je ferais ça le jour ou moins de cds sortiront... :mrgreen:
Voila un topic qui s'annonce des plus passionant...
Je ne me suis pas encore intéressé aux éditions Bragelonne mais comptent-ils réedité tout Howard ou tout CONAN?
Par avance merci...
(personnellement je reconnais avoir laissé tomber Howard le jour ou j'ai découvert Rider Haggard...)
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Pierrebrrr
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Très franchement, je ne me passionne que quand je connais vraiment le sujet en question- ce qui n'est pas souvent le cas, là ça l'est. Merci à Van Cleef, surtout, d'avoir lancé le sujet, j'espère qu'on aura l'occasion d'y revenir régulièrement.
C'est vraiment un investissement indispensable à l'amateur de Sword and Sorcery, le Conan de Bragelonne. tout ce que je disais plus haut, à peu près, est brillament developpé et bien mieux dit par Louinet en préfaces et en postfaces. Même si parfois on peut être en désaccord avec certaines affirmations un peu péremptoires- je ne rentre pas dans le détail- c'est un vrai bonheur de pouvoir porter à cette hauteur le débat sur Howard. Louinet, par exemple, pointe aussi de manière très interessante les nouvelles moins bonnes que d'autres, et montre en quoi elles sont plus faibles. Le seul problème des Bragelonne, c'est qu'il faut avoir le temps de s'y plonger.
Il faut voir que Conan est interessant aussi parce qu'il est relativement tardif dans la carrière de Howard, qui est plus mur. Parce que quand même, certains textes écrits à 16 ans,du genre "griffe et crocs", c'est très basique.

Si on parle de Solomon Kane, nous avont aussi un bon exemple de film -dont les mérites objectifs peuvent se discuter ailleurs- mais qui trahit totalement son matériau d'origine, autrement plus fascinant.

Et pas question de balancer les Neo, malheureux ! Il y a les couvertures de Nicollet !
Et en parlant d'adaptation, on pourrait aussi recueillir les avis sur le comics en cours de parution de Dark Horse, dont les premiers épisodes, signés Kurt Busiek et Cary Nord, ne sont certainement pas plus fidèles que le film de Milius, mais forme quand même une adapatation idéale de Conan. Hélas le miracle n'a pas duré très longtemps, ni tenu toutes ses promesses...
vous connaissez ? Vous en pensez quoi ?
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Lee Van Cleef
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Pierrebrrr a écrit :L'idée d'un Conan qui pense, qui réflechit (une des plus belles choses du film, à mes yeux, c'est cette manière de filmer la pensée comme un acte, voir toutes les scènes dans lesquelles Conan est montré en train de songer, de réfléchir, perdu dans ses reflexions ). ça, ce n'est pas vraiment le Conan de Howard, qui est plutôt un personnage intact d'un bout à l'autre de ces histoires, capable de reflexion- et d'opinion- mais toujours dans le même système de pensée.
Je ne peux que renchérir. Les moments où Arnie s'abîme dans une attitude songeuse et contemplative sont effectivement légion, en tête desquels le superbe travelling qui suit les funérailles de Valeria et révèle un Conan mélancolique, le menton reposant sur son poing, et bien sûr le plan final où notre fier Cimmérien, trônant majestueusement sur les richesses de son empire, semble hanté par de noires pensées. Pour tout dire, ces passages ne sont pas véritablement en porte-à-faux avec les thématiques howardiennes, dans le sens où ils ne me font pas tant penser à Conan (qui n'a jamais été vraiment sujet à l'introspection) qu'à une autre création fameuse de l'auteur, un frère de papier en quelque sorte : l'ombrageux King Kull. Il serait intéressant de demander à John Milius s'il s'agit là d'éléments purement fortuits ou si, à l'époque du tournage, rôdait dans un coin de sa tête le souverain tourmenté de Valusie la magnifique.
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Lee Van Cleef
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Soundtrackman a écrit :Je ne me suis pas encore intéressé aux éditions Bragelonne mais comptent-ils réedité tout Howard ou tout CONAN?
Aouch ! J'ai bien peur que tu n'aies quelques métros de retard, compagnon. Bragelonne a déjà réédité l'intégrale des aventures de Conan en trois luxueux volumes, et s'est depuis attaqué à bien d'autres versants de l'oeuvre protéiforme de Howard : Solomon Kane, Bran Mak Morn, les croisades, les histoires horrifiques ou fantasy... La dernière parution en date étant consacrée à King Kull. Bref, une ribambelle d'ouvrages passionnants (en dépit de la qualité souvent fluctuante des textes choisis) qui méritent toute l'attention des amateurs de récits pulp de très haut standing.
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Pierrebrrr
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Il faudra faire passer les question à Wyatt...Je me suis toujours posé beaucoup de questions (vaines sans doutes...) sur ce qui est intentionnel et ce qui relève de la magie du hasard dans ce miracle pelliculé qu'est Conan The Barbarian.

Pour le coup, je ne connais que très mal Kull, n'ayant lu qu'une seule histoire le mettant en scène. Le Conan de Howard est en proie parfois à de vrais tourments existentiels, parfois- tu as tout à fait raison Lee- mais là où celui de Milius est magnifié par cette caméra en mouvement- le montrant songeant, très souvent dans la nature (romantisme ?), celui de Howard serait plutôt du genre à déboucher une bouteilles et à se dire la troisième rasade que finalement, la vie n'a pas de sens, mais vaut peut-être la peine d'être vécu. Un passage très Howardien du film, je trouve, c'est quand le narrateur raconte la rencontre avec les "enfants de la terre", auxquels Conan répond qu'il est toujours bien assez tôt d'y retourner, dans la tombe !

Est-ce que Kull est disponible en français, actuellement ?
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Pierrebrrr a écrit :Est-ce que Kull est disponible en français, actuellement ?
Il l'est, sous le titre Kull, le Roi atlante. Le personnage est bien sûr incontournable dans la galaxie howardienne, ne serait-ce que pour avoir indirectement contribué à la naissance de notre cher vieux Cimmérien, mais bon nombre des nouvelles qui lui ont été consacrées n'ont rien de très mémorable, je dois l'avouer. Ceci étant, le monarque barbare ne méritait guère que son nom et son prestige soient saccagés par le nanardeux Kull the Conqueror, où personne n'a visiblement songé à prévenir le pauvre Kevin Sorbo qu'il ne tournait pas un nouvel épisode d'Hercules.
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Pierrebrrr
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Ah oui, je l'avais complètement oublié celui-là. Howard partage avec Lovecraft, outre une abondante correspondance et une certaine amitié, le triste privilège d'avoir vu un paquet de cinéastes faire la queue devant sa tombe pour y uriner abondamment. Je n'ai d'ailleurs à l'esprit aucune adaptation autre que Conan qui me semble mériter qu'on mentionne l'auteur dont elle s'inspire. Merci pour la référence du volume sur Kull, j'ai un certain retard dans l'achat des épais volumes du Texan publié par Bragelonne. Tu les connais tous ?
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Franchement , ont a pas encore vu de remplaçant au Conan de Millius concernant la dark fantasy .. ne serais ce que les vinght premières minutes avec la fureur du score de Poledouris ...300 comme prince héréditaire à la rigueur ...
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Pierrebrrr
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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300 ? Du coup, le score de Tyler Bates c'est le descendant de celui de Polédouris ? :mrgreen:
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Pierrebrrr a écrit :Merci pour la référence du volume sur Kull, j'ai un certain retard dans l'achat des épais volumes du Texan publié par Bragelonne. Tu les connais tous ?
Eh bien, je les ai tous achetés au fur et à mesure de leur parution, me jetant sur chaque nouveau titre tel un mort-de-faim... à l'exception du récent Kull le Roi atlante, justement. Le sommaire étant quasi-identique à celui du recueil jadis paru chez Neo (recueil dont je ne suis pas le plus indéfectible admirateur, rappelons-le), et ayant moi-même accumulé récemment pas mal de bouquins dont je compte bien venir à bout, j'ai laissé parler la sagesse en reportant l'achat à plus tard. En revanche, se profile déjà à l'horizon (début 2011, si tout se déroule sans anicroche) un livre dont Patrice Louinet a révélé le titre lors des 5èmes Rencontres howardiennes et duquel je compte ne faire qu'une bouchée : El Borak !
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Pierrebrrr a écrit :Je n'ai d'ailleurs à l'esprit aucune adaptation autre que Conan qui me semble mériter qu'on mentionne l'auteur dont elle s'inspire.
Bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'une adaptation de Howard, il existe un film pour lequel je brûle de curiosité et dont je n'ai entendu dire que du bien. The Whole Wide World s'attarde sur les dernières années de la vie de Two-Gun Bob (incarné avec fièvre et passion, semble-t-il, par l'excellent Vince D'Onofrio) et plus particulièrement sur sa romance avec Novalyne Price, jouée par une Renée Zellweger à l'aube de la "starisation". Après tout, en dépit de son très bref passage en ce monde, Robert E. Howard représente lui-même un personnage au potentiel dramatique puissant, dévoré par sa gargantuesque création littéraire et totalement inadapté à l'ère moderne, avec au bout du chemin le destin tragique que l'on connait. Espérons cependant que le film ait su contourner le vil écueil du mélo tire-larmes.
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Wyatt Earp a écrit :je trouve le film de Milius beaucoup plus profond et romantique (enfin, romanesque, quoi) que les écrits de REH.
Il y a pléthore d'idées reçues et stéréotypées autour de Robert E. Howard, la moindre n'étant pas cette vision misogyne et racoleuse que l'on continue encore et toujours à lui prêter à l'égard des femmes. Et s'il est exact que son oeuvre regorge de naïades court vêtues, passant l'essentiel de leur temps à se blottir dans le giron du musculeux héros en minaudant ou geignant d'effroi, elle ne manque pas pour autant de redoutables personnages féminins, intelligents, passionnés et résolus à braver les pires dangers pour leur idéal, quel qu'il puisse être. Ainsi, Sandhal Bergman aurait-elle (superbement) incarné la Valeria intrépide et ardente que nous connaissons s'il n'y avait eu, à l'origine, certaines des pages les plus audacieuses et flamboyantes du Texan ? Que l'on se remémore l'apocalyptique Les Clous Rouges, où Conan trouve un séduisant alter ego en la personne de Valeria (eh oui) de la Fraternité Rouge, aventurière sans peur et épéiste hors pair ; que l'on se souvienne, surtout, de La Reine de la Côte Noire, formidable nouvelle qui voit le Cimmérien connaître l'amour dans ce qu'il a de plus absolu entre les bras de l'indomptable Bêlit. Voici, à n'en pas douter, le texte dans lequel John Milius et Oliver Stone ont puisé à la louche pour façonner leur propre Valeria.

Ainsi, les déclarations farouches de Bêlit rencontrent de bien troublants échos dans Conan the Barbarian ("S'il arrivait que la mort m'ait emportée et que tu te battes pour ta vie, je reviendrais des abysses pour t'aider ; oui, que mon esprit flotte parmi des voiles pourpres sur les mers cristallines du Paradis ou qu'il se torde dans les flammes en fusion de l'Enfer ! Je t'appartiens et tous les dieux et leurs éternités ne sauraient nous séparer !"), de même que son foudroyant retour de l'au-delà pour prêter main-forte au Cimmérien ("En un instant de démence elle fut là... une forme blanche, tendue, vibrant d'un amour aussi féroce que celui d'une panthère. Le Cimmérien hébété vit s'interposer entre lui et la mort imminente sa silhouette élancée, luisant faiblement comme de l'ivoire sous la lune. [...] Elle lui adressa un rapide regard ; dans ses yeux noirs, il lut son amour ardent, une chose élémentaire et nue, faite de brasiers incandescents et de lave en fusion. Puis elle disparut, et le Cimmérien ne vit plus que le démon ailé"). Et lorsqu'un Conan accablé d'un désarroi muet dresse le bûcher funéraire de sa bien-aimée perdue sous la caméra de Milius, c'est encore l'éblouissante plume de Howard qui paraît avoir donné vie à la beauté élégiaque de la séquence ("Sur un bûcher fait de bancs de rameurs brisés, de hampes de lance et de peaux de léopard, était étendue la Reine de la Côte Noire. Elle dormait de son dernier sommeil, enveloppée dans la cape écarlate de Conan. [...] Ainsi passa la Reine de la Côte Noire. Appuyé sur son épée maculée de sang, Conan se tint immobile et silencieux jusqu'à ce que la lueur rouge ait disparu au loin, au sein des brumes azurées, et que l'aube ait éclaboussé l'océan de ses lueurs rose et or").

Ce thème, intensément romantique, de l'amour défiant la mort et le temps, Two-Gun Bob lui a consacré maints textes parmi lesquels émergent de mémorables réussites, aux tons et aux ambiances parfois diamétralement opposés. Qu'il s'agisse de la fresque pleine de bruit et de fureur Les Guerriers du Valhalla, de l'épouvante grotesque et sanglante du Peuple des Ténèbres ou du récit intimiste, teinté de poésie et de nostalgie, de Pour l'Amour de Barbara Allen, Howard a largement démontré à mes yeux qu'en dépit de sa prédilection pour des histoires au bellicisme viril et du pessimisme achevé avec lequel il considérait ses semblables, il ne craignait nullement d'irriguer ses textes d'un romantisme entier et sublime, presque naïf dans son absence totale de cynisme.
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Pierrebrrr
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Oui, oui, oui.
Mais dire ce que tu dis, ça n'empêche pas de trouver chez Milius une approche des personnages féminins connivente avec celle de Howard, mais différente. Il ne s'agit pas de dire que Howard est misogyne et Milius féministe, ce qui serait évidemment ridicule. Simplement, chez Milius, à l'intérieur du seul Conan le Barbare, se déploient de multiples figures féminines, aux multiples facettes: la sorcière, la compagne, la princesse, la mère, évidemment. Ces femmes, chez Milius, sont soumises ou indépendantes, fascinées ou goguenardes, muettes ou bavardes, presque viriles ou presque virginales.
Au fond, c'est dans leur rapport avec le personnage masculin, ce en quoi elles le définissent, finalement, que se marquent le plus les divergences de vision d'Howard et de Milius. Ces divergences ne sont peut être d'ailleurs que le produit du temps qui sépare l'un de l'autre. Car c'est évidemment là qu'Howard est passionnant, je trouve: il est à la fois un produit de son époque, et dans le même mouvement que ce conformisme, on sent chez lui des envies contradictoires, originales, à contre courant. Voire comment il répond parfois à Lovecraft, en cherchant à argumenter, par exemple en ce qui concerne la valeur de la civilisation, et il difficile de ne pas mal interpréter la pensée d'Howard à ce sujet- d'autant plus qu'elle n'est pas monolithique chez lui.

Revenons aux femmes. L'occasion idéale d'évoquer une scène du film de Milius, un moment minuscule, que je tiens pour le plus bouleversant du film, de la filmographie de Milius, et dans ma cartographie intime, un de ceux qui définissent l'émotion cinématographique. Tant pis si le ridicule m'emporte.

Ce moment, longtemps, je ne l'ai même pas remarqué. Il demande à être interprété, ce qui invalidera peut-être toute la description qui va suivre.
Dans le montage, au coeur du film, décrivant les premiers jours d'amour entre Conan et Valéria, on retrouve à un moment les deux amants assis l'un contre l'autre, Et Valéria brusquement sert le barbare contre sa poitrine, comme on console un enfant. Conan est de dos, on ne peut lire l'expression de son visage, et c'est évidemment un choix magnifique de Milius. Je pense que Conan viens de raconter à Valéria ce que fut son enfance (sa fin, en fait) et comment sa mère mourut sous ses yeux. La réaction, immédiate de Valéria est une empathie qu'on qualifierait de maternelle et elle console celui qui sous ses yeux, vient peut-être de redevenir le petit garçon tétanisé qui voit le corps de sa mère s'effondrer à côté de lui. La magnifique pudeur de Milius lui fait dissimuler ce moment, à mon avis fondamental pour comprendre la relation qui lie Conan à Valéria, au coeur d'un montage de plusieurs fragments enchainés, et confie l'émotion non pas à un dialogue littéral, mais à l'évocation par la musique. A mes yeux, c'est là que réside l'âme du film. On me répondra sans doute que Milius lui même n'en a rien décidé du tout. Peut importe...

Quoi qu'on pense de ce passage en particulier, on ne peut nier, par ailleurs, comme je le disais plus haut, la multiplicité des figures féminines entourant Conan chez Milius.
Ce n'est vraiment pas le cas, tout de même, chez Howard. Si on prend l'exemple particulier, et célébrissime à juste titre, de Bêlit, sa relation à Conan est d'une tout autre nature que celle qui l'unit à Valéria dans le film de Milius.
Est-ce qu'on peut imaginer sérieusement le Conan de Howard hésiter entre sa vie d'aventures et une vie conjugale, auprès d'une compagne aimée ? Est-ce qu'on peut imaginer le Conan de Howard se confier- que ce soit à une compagne ou qui que ce soit d'autre... D'ailleurs le personnage de Howard n'a absolument rien à confier... Ce qui pousse Conan, chez Howard à quitter la Cimmérie, c'est l'ennui profond que provoquait chez lui ce pays,et l'effet sur son tempérament de ses lugubres paysages. Le pays natal n'est en aucun cas, comme chez Milius, le lieu d'un traumatisme enfantin.

Pour en revenir à la Reine de la Côte Noire, Louinet a retrouvé des notes traduisant la tentation d'Howard, à un moment, d'appuyer les pulsions violentes de Conan à l'égard de celle qui enflamme son désir. Conan, en même temps qu'il sent monter en lui l'envie d'aimer cette femme se surprend, dans le même mouvement, à vouloir la "corriger"- je crois que c'est le terme de l'écrivain.

On est très loin, à la lumière de la scène du film de Milius que j'ai décrite, de ce qu'est la relation entre Conan et Valéria.
Et on ne sait rien de la sexualité de Howard, ni de ce qui a pu le pousser à alléger, finalement, les descriptions des sentiments de Conan et de Bêlit (qui semblait au départ tout à fait partante pour une bonne fessée, pour le dire légèrement...)

Sans taxer Howard de misogyne, je conclurai qu'il me semble tout de même que lorsque les figures féminines sont traitées à l'égal des hommes, c'est qu'elles ont toutes leurs caractéristiques viriles (les clous rouges, effectivement). Chez Milius, on parvient à une description de certains personnages féminins qui tout en tenant tête aux hommes, ne se départissent jamais de certaines qualités qualifiées de "féminines". Voir par exemple "Le Lion et le Vent"- hommage déguisé de Milius à El Borak ?-film sublime, musique sublime, Milius est un cinéaste totalement maudit, comment un tel film peut-il être aujourdh'ui à ce point oublié ?- En tous cas, s'il fallait une preuve supplémentaire de l'absence de misogynie de Milius, il suffirait de regarder à quel point ses personnages féminins sont l'objet de ses attentions.

C'était long et lyrique, désolé, mais on parle de Howard, quand même, Par Crom !
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Wyatt Earp
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Pierrebrrr a écrit : Ce moment, longtemps, je ne l'ai même pas remarqué. Il demande à être interprété, ce qui invalidera peut-être toute la description qui va suivre.
Dans le montage, au coeur du film, décrivant les premiers jours d'amour entre Conan et Valéria, on retrouve à un moment les deux amants assis l'un contre l'autre, Et Valéria brusquement sert le barbare contre sa poitrine, comme on console un enfant. Conan est de dos, on ne peut lire l'expression de son visage, et c'est évidemment un choix magnifique de Milius. Je pense que Conan viens de raconter à Valéria ce que fut son enfance (sa fin, en fait) et comment sa mère mourut sous ses yeux. La réaction, immédiate de Valéria est une empathie qu'on qualifierait de maternelle et elle console celui qui sous ses yeux, vient peut-être de redevenir le petit garçon tétanisé qui voit le corps de sa mère s'effondrer à côté de lui. La magnifique pudeur de Milius lui fait dissimuler ce moment, à mon avis fondamental pour comprendre la relation qui lie Conan à Valéria, au coeur d'un montage de plusieurs fragments enchainés, et confie l'émotion non pas à un dialogue littéral, mais à l'évocation par la musique. A mes yeux, c'est là que réside l'âme du film. On me répondra sans doute que Milius lui même n'en a rien décidé du tout. Peut importe...
C'est exactement ce que Milius a voulu dire, il l'affirme lui-même : tu as mis en plein dans le mille !
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Lee Van Cleef
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Ne t'inquiète pas outre mesure du ridicule, mon cher Pierrot, puisqu'il lui faudra d'abord dompter mon katana s'il veut t'emporter ! Oui, je trouve moi aussi, au fameux plan qui te bouleverse si profondément, une émotion toute particulière... A ceci près que mon ressenti à son sujet diffère sensiblement du tien. Je trouve ton interprétation tout à fait passionnante et crédible (et, si l'on en croit notre marshal, il s'agit bel et bien de ce que Milius a souhaité voir transpirer à l'écran), mais je n'ai personnellement toujours vu, dans l'élan subit de Valeria, que la farouche expression de son amour, un sentiment qu'elle n'avait de son propre aveu jamais expérimenté jusqu'alors, et auquel elle décide de s'adonner sans la moindre réserve. Mais peut-être ais-je bien du mal à voir la belle aventurière tendre une oreille maternelle à un Conan lui faisant le récit de son enfance tragique, pour la simple raison que le Cimmérien, un homme naturellement avare de ses paroles (bien davantage chez Milius que dans les textes de Howard, en tout cas), n'adresse pas un traître mot de tout le film à sa compagne (exception faite des rapides monosyllabes dont il lui fait l'aumône lors de leur rencontre nocturne, au pied de la tour de Set) !
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Pierrebrrr
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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Nous défendrons donc l'honneur de Milius dos au mur et fleur là la boutonnière.
J'aime bien ce que tu écris, c'est cohérent avec la "psychologie" de Valéria. Je ne sais pas si Conan et Valéria parlent si peu. Milius ne nous fais jamais entrer dans cette intimité là, mais je crois qu'il suggère beaucoup, au contraire. Et que ce qui différencie Valéria des autres femmes que Conan a connu, c'est ce partage de paroles pas forcément fréquent, qui les lie de manière unique. On les voit beaucoup rire aussi, dans ce montage. Au fond, et en mettant encore une fois de côté toute retenue, ce que j'aime dans le film de Milius, c'est que c'est avant tout une histoire d'amour, tragique, belle, si loin des niaiseries auxquelles l'héroïc fantasy a recours en général dans ce domaine (Aragorn et Arwen, quelle misère...).
Par contre, un autre cinéaste qui me touche aussi beaucoup, dans ce domaine, et dont la manière de mettre en présence des amants, c'est Michael Mann évidemment. Miami Vice est un autre de ces films qui me donnent la chair de poule quand lui et elle se trouvent et s'aiment avant de se perdre, fatalement. Même si paradoxalement, je trouve chez Mann moins de tendresse et de complicité que chez Milius.
Sans doute, dans le film de Milius, y-a-t il aussi le petit miracle d'avoir cueilli Arnold à l'orée de sa carrière, candide dans un corps de colosse, présence miraculeuse, qu'il ne retrouvera absolument jamais. J'aime aussi ce souci qu'on sent chez Milius de filmer pas des acteurs mais des gens. Je pense qu'une bonne partie de l'émotion que me procure ce film vient de là.

D'une manière plus directe, il y a évidemment le monologue de Valéria, que tu cites, qui est un des plus beaux moments du film et une des plus belles déclarations que j'ai vues sur un écran de cinéma. Elles sont innombrables les beautés du film de Milius, et elles ne se donnent pas au premier regard, c'est sûr. Au fil des ans , j'ai fini par trouver un film caché derrière celui qui avance plus fièrement glaive au poing. C'est celui que je préfère maintenant, parce qu'il est plus secret, et plus précieux. Conan le Barbare est un film connu, reconnu maintenant, mais presque jamais pour ce qu'il est vraiment. Mais il est bon de trouver asile ici pour s'épancher un peu.

Pour en revenir à Howard, j'aurai vraiment aimé lire ce qu'il aurait pu raconter avec 20 ans de plus derrière le coeur, ce qu'il aurait eu à dire de Novalyn Price, de celles qui lui auraient succédé ou pas..mais on ne le saura jamais.

Et j'aurai aussi tellement aimé que Milius puisse poser cette couronne de fer sur le front de Conan, 30 ans plus tard. D'autant plus frustrant que dans un monde parfait, c'est vraiment possible. Mais on préfère confier le retour du barbare au génie cinétique qui nous fit saigner le yeux (et les tympans) avec Pathfinder. Si Crom a des larmes a verser, je suis sûr qu'elles coulent, là-haut.

P.S: d'où vient ce Pour l'amour de Barbara Allen, que tu cites ? Je suis intrigué, je ne connais pas...
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Wyatt Earp
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

Message non lu par Wyatt Earp »

Je suis 100% d'ac avec ce que tu dis sur Michael Mann.
En revanche, Tavernier m'a dit l'autre jour que Milius lui avait déclaré : "Ca lui arrive, à Mann, de faire relire ses scripts à quelqu'un ayant plus de 14 ans ?"...
Mais il faisait plus particulièrement allusion à Public Enemies (l'itw de Tavernier sera publiée dans le Impact de février 2011).
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Pierrebrrr
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

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ça aussi c'est quelque chose que j'adore chez Milius: son humour. Conan c'est un film profondément drôle (ou l'inverse).
J'espère qu'il a des projets Milius, c'est un mec qui me manque vraiment au cinéma. Est-ce que son Gengis Khan a la moindre chance de se faire effectivement ? Je suis sûr que ça pourrait être son "3 Royaumes." Et en voilà un film qui pourrait être très "Howardien"... Et sinon, à quand une vraie grosse monographie sur Milius ?
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Wyatt Earp
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Re: John Milius et Robert E. Howard, même combat ?

Message non lu par Wyatt Earp »

Pour Genghis Khan, je pense que ça va dépendre de l'éventuel succès du remake de Conan...et surtout je ne serais pas surpris que ça soit une mini-série plutôt qu'un film.
Un bouquin sur Milius ? Si un éditeur me finance et que je rencontre Milius, ce serait avec joie ! D'ailleurs c'est étonnant qu'il n'y en ait pas aux USA, mais quand on voit qu'il n'y a rien ou presque sur Ridley Scott... Par ailleurs, écrire un livre de cinéma demande énormément de temps pour un résultat financier quasi-nul, et l'apparition des sites/blogs consacrés aux cinéastes a d'autant plus ralenti ce genre de publication.
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