Où en est-on niveau législatif ? (après la volée de bois vert européen pour l'Albanel de service....)
Les téléchargements illégaux de retour aux Parlements
LE MONDE POUR DIRECTMATINPLUS | 03.10.08 | 07h24 • Mis à jour le 03.10.08 | 07h26
En 2006, une bataille parlementaire homérique avait bousculé le clivage droite-gauche lors des débats sur la loi DADVSI (Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information). Ce texte devait apporter une réponse au problème du téléchargement illégal d'œuvres sur Internet. Mal préparée, la loi fut partiellement amendée par le Conseil constitutionnel. Début novembre, commencera l'aventure parlementaire du nouveau projet de loi, "Création et Internet", censé, lui aussi, ralentir le téléchargement d'œuvres protégées par les droits d'auteur. Les débats qui visent à trouver une solution nationale à un phénomène planétaire s'annoncent prometteurs.
"Je n'accepte pas qu'un travail soit spolié parce que c'est techniquement possible, parce que les producteurs gagnent trop d'argent, parce que c'est plus pratique de télécharger que d'aller à la Fnac", déclarait, en décembre 2006, Nicolas Sarkozy, alors candidat à l'élection présidentiel. Une fois entré à l'Elysée, le téléchargement illégal sur Internet est demeuré dans sa ligne de mire. C'est justement Denis Olivennes, patron de la Fnac à l'époque, qui avait été désigné par le président Sarkozy, en septembre 2007, pour conduire une mission sur "la lutte contre le téléchargement illicite".
Le projet de loi Création et Internet est né du rapport Olivennes. Le texte prévoit un système de "riposte graduée" contre les internautes qui téléchargent illégalement des films ou de la musique. Une future Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur l'Internet (Hadopi) enverra d'abord un courriel, puis une lettre recommandée au titulaire de l'adresse IP (signature internet de l'ordinateur connecté). Si de nouveaux téléchargements sont constatés, l'abonnement à Internet sera suspendu, pour une durée d'un mois à un an.
Le 25 septembre, l'UMP a demandé au gouvernement "d'inscrire en urgence le texte Création et Internet à l'ordre du jour du Parlement". Un coup d'accélérateur de la majorité présidentielle qui vise à prendre de vitesse une loi en provenance du Parlement européen. L'assemblée européenne aurait mis à mal l'équilibre du texte défendu par Christine Albanel, ministre de la culture. En effet, le 24 septembre, les eurodéputés ont inclus dans une série de projets de loi visant à réformer le marché européen des télécoms le fait qu'aucune restriction aux droits et libertés des internautes ne puisse être imposée sans une décision judiciaire préalable. Une restriction qui réduit à peu de choses le rôle de la nouvelle haute autorité imaginée par le gouvernement. Ensuite, l'amendement Bono-Cohn Bendit (du nom des deux députés européens qui l'ont déposé) souligne que les règles européennes "n'exigent pas des fournisseurs qu'ils contrôlent les informations transmises par l'intermédiaire de leurs réseaux, ni qu'ils prennent des sanctions ou engagent des poursuites judiciaires à l'encontre de leurs clients en raison d'informations transmises". Une bouffée d'air momentanée pour les fournisseurs d'accès français, peu enclins à assumer le rôle de rapporteurs des téléchargements illégaux de leurs clients que veut leur faire jouer le gouvernement.
Selon Christine Albanel, le vote du Parlement européen "ne s'oppose pas" à l'approche graduée contre le piratage prévue dans le projet de loi français. "Le fait d'être privé de connexion internet ne constitue pas une privation d'une liberté fondamentale. Ensuite, la liberté de communiquer cesse là ou commence le droit de propriété des auteurs spoliés", glisse-t-on au ministère de la culture. Parallèlement, Viviane Reding, commissaire européenne à la Société de l'information et des Médias, a annoncé son intention de rejeter l'amendement en question.
"La Commission peut avoir le dernier mot", reconnaît Guy Bono, député européen socialiste, tout en rappelant que "l'amendement a été voté à 573 voix pour, 74 contre. Si Mme Reding passe outre l'avis des parlementaires et qu'elle retire cet amendement, le texte fera l'objet d'une deuxième lecture en début d'année, et je peux lui dire d'ores et déjà que je redéposerai un amendement et que je demanderai aux parlementaires de le revoter".
"Je n'ai pas peur d'employer le mot régulation pour Internet", soutenait, en 2006, le candidat Sarkozy. C'est donc à Christine Albanel et aux parlementaires qu'échoit la difficile mission de mettre sous contrôle les échanges sur le réseau des réseaux. Le texte est attendu au Sénat en novembre prochain.
Eric Nunès