La trilogie BEFORE de Richard Linklater
Publié : dim. 27 sept. 2020 15:35
C'est une histoire vieille comme le monde. Un garçon et une fille se rencontrent au bon vouloir du hasard, ils sympathisent sans tergiverser, devisent dans la joie et la bonne humeur, se confient leurs rêves l'un à l'autre avec l'innocence des habitants de l'Eden, ils rient, sourient à n'en plus finir, le coeur gonflé d'allégresse, et quelque chose finit par se substituer à leur immédiate complicité dans les regards dont ils se couvent... Là où cette petite tranche de vie s'étale généreusement sur plusieurs semaines, plusieurs mois, si ce n'est d'avantage sous l'égide de cinéastes désireux d'observer la douce éclosion des sentiments, Richard Linklater imagine l'idylle entre ses jeunes héros, Jesse et Céline, comme un compte à rebours où la tendre flânerie doit s'accommoder bon an mal an de la conscience aigüe des heures qui filent. Vienne est accueillante, avec ses petites ruelles de carte postale et ses affables autochtones qui, jusqu'à une diseuse de bonne aventure croisée à la terrasse d'un café, savent tous parler anglais, mais nos deux tourtereaux n'ont qu'une unique journée devant eux. Alors ils décident de vivre cette aventure en envoyant bouler toute arrière-pensée, toute inhibition bégueule — et la caméra de Linklater de caresser l'attendrissant émoi avec beaucoup de simplicité, en témoin pudique plutôt qu'en prima donna ayant tout pouvoir.
Ils sont nombreux, hélas, les films qui, après nous avoir aguiché à distance des années durant, ne nous abandonnent finalement que l'âcre goût de la déception collé au palais. Quand trépassent les vils tentateurs, d'avoir farci notre tête de trop de chimères... Mais d'abattement et de haussements d'épaules fatalistes, il n'y eut point pour le vieux Van Cleef au sortir du visionnage de Before Sunrise. J'attendais beaucoup du film de Linklater, intronisé à l'unanimité parmi les histoires d'amour qui se lovent dans un pli de notre cerveau pour ne jamais plus s'en extraire, et il ne m'a pas donné la moindre raison de déchanter. Il se dégage des déambulations de Jesse et Céline en terrain si pittoresque qu'il pourrait n'être que le fruit d'un dépliant touristique, de leur babil tellement inconséquent en apparence (la vie, l'amour, les vaches...), un charme que l'on ne tenterait qu'en vain de décrire. La vivacité pétillante de l'écriture, souvent à deux doigts de sombrer dans la guimauve, mais s'en gardant toujours par d'habiles entrechats, l'explique largement — la superbe alchimie entre les interprètes principaux itou. Julie Delpy est irrésistible de fraicheur, pareille à une fleur des champs ondulant de tous ses pétales soyeux sous une petite bise amicale. Quant à Ethan Hawke, séduisant gamin au sourire inaltérable, il n'a décidément pas eu la carrière qu'il méritait. Le grand "petit" film par excellence, qui m'a conquis en un tournemain, et me rend déjà impatient de prendre à bras-le-corps sa suite, Before Sunset, tournée dix ans plus tard.
Ils sont nombreux, hélas, les films qui, après nous avoir aguiché à distance des années durant, ne nous abandonnent finalement que l'âcre goût de la déception collé au palais. Quand trépassent les vils tentateurs, d'avoir farci notre tête de trop de chimères... Mais d'abattement et de haussements d'épaules fatalistes, il n'y eut point pour le vieux Van Cleef au sortir du visionnage de Before Sunrise. J'attendais beaucoup du film de Linklater, intronisé à l'unanimité parmi les histoires d'amour qui se lovent dans un pli de notre cerveau pour ne jamais plus s'en extraire, et il ne m'a pas donné la moindre raison de déchanter. Il se dégage des déambulations de Jesse et Céline en terrain si pittoresque qu'il pourrait n'être que le fruit d'un dépliant touristique, de leur babil tellement inconséquent en apparence (la vie, l'amour, les vaches...), un charme que l'on ne tenterait qu'en vain de décrire. La vivacité pétillante de l'écriture, souvent à deux doigts de sombrer dans la guimauve, mais s'en gardant toujours par d'habiles entrechats, l'explique largement — la superbe alchimie entre les interprètes principaux itou. Julie Delpy est irrésistible de fraicheur, pareille à une fleur des champs ondulant de tous ses pétales soyeux sous une petite bise amicale. Quant à Ethan Hawke, séduisant gamin au sourire inaltérable, il n'a décidément pas eu la carrière qu'il méritait. Le grand "petit" film par excellence, qui m'a conquis en un tournemain, et me rend déjà impatient de prendre à bras-le-corps sa suite, Before Sunset, tournée dix ans plus tard.