de Lee Van Cleef le Jeu 2 Nov 2017 19:00
Au fond, il fallait s'y préparer. Quand Stephen King, spécialiste de la langue de bois lorsqu'il s'agit d'évoquer les adaptations à l'écran de ses oeuvres, prétend avoir été comblé au-delà de ses plus folles attentes en usant et abusant de superlatifs dangereusement voisins de ceux qu'il réserve d'ordinaire aux médiocres téléfilms de son poteau Mick Garris, c'est qu'il y a anguille visqueuse sous roche. Quand Junior, mieux connu sous le sobriquet de Joe Hill, en rajoute une lourde couche en intronisant l'heureux élu au rang des Films les Plus Terrifiants de Tous les Temps, l'inquiétude s'avive, comme aspergée d'essence. Et quand notre Grand Sachem, soumis corps, âme et plumes à la bannière du maître de Bangor, se révèle à peine moins caudataire que le père et le fils, la messe paraît bel et bien dite ! Les Grands Anciens savent pourtant que le vieux Van Cleef, qui considère It comme le chef-d'oeuvre quintessentiel du King, aurait donné beaucoup pour s'être royalement fichu dedans... Macache ! Le film a tout faux sur presque toute la ligne. Amputé, ô ! combien stupidement, de ses allées et venues remplies d'émotion entre les époques, le récit dit illico adieu à la passionnante allégorie tissée jadis par Steve-O de l'enfance nous filant insensiblement entre les doigts.
Que reste-t-il après cette émasculation en règle ? Rien qu'un B movie sans conséquence, qui ne se distingue (un peu) d'une tripotée d'autres, où la bande de petits malins règle son compte au Monstre de la Semaine, qu'à l'aide d'une photographie chiadée avec amour et d'un gros travail accompli sur les décors — lesquels ne sont pas sans fausse note malgré tout, comme la maison de Neibolt Street, qui ressemble à une attraction pour Disney World. Les vannes délicieusement salées que se jettent les Ratés à la figure ne font jamais dans la dentelle, et c'est tant mieux. Voilà d'ailleurs bien l'unique circonstance où le manque chronique de finesse fait mouche dans It. Les pauvres adultes, eux, en sont réduits à essuyer les plâtres, taiseux, suants, toujours confinés dans des cadrages obliques et une pénombre suspecte, à commencer par le père de Beverly qu'on eût aussi bien pu coiffer d'une enseigne au néon hurlant "ATTENTION DANGER ! PSYCHOPATHE INCESTUEUX". Normal, me dira-t-on. On est là pour avoir les chocottes, crénom de bougre ! Mais justement, où est passée la peur ? Ce sentiment épidermique que les enfants redoutent et tout en même temps convoitent tel le plus fabuleux des butins, bernant la vigilance parentale pour s'y vautrer de tout leur long, avec pour porte de communication l'écran de cinéma assailli de cris juvéniles ou les pages fébrilement tournées d'un comic d'horreur ? Qu'est-il arrivé à cette fameuse peur, si pure, si effroyablement simple vue à travers le prisme de l'âge tendre, mais compliquée soudain de pesantes architectures quand doivent se confronter à elle les enfants devenus grands ? Elle était omniprésente sous la plume de King. Là , elle stagne, rance, presque morte, à la surface du faciès mono-expressif de Bill Skarsgard (rendez-nous Tim Curry !), dont les innombrables galopades en plein sur la caméra, toutes jambes grêles dehors, tournent vite au running gag. Vivement la suite ? Pas pour cette fois, merci bien...