Da Vinci’s Demons (Season 2) (Bear McCreary)

Da Vinci Code

Disques • Publié le 27/05/2016 par

Da Vinci's Demons (Season 2)DA VINCI’S DEMONS (SEASON 2) (2014)
DA VINCI’S DEMONS
Compositeur :
Bear McCreary
Durée : 113:01 | 19 pistes | 2CD
Éditeur : Sparks & Shadows

 

4.5 out of 5 stars

Au terme de la première saison, nous avions laissé le compositeur Bear McCreary aux prises avec de multiples arcs narratifs : Lorenzo De Medicis affrontant la violente révolte des Pazzi et devant faire face à une tentative d’empoisonnement orchestrée par Riario, le neveu du Pape ; Giuliano, le frère de Lorenzo, apprenant qu’il va être père après sa relation avec Vanessa, une simple roturière, juste avant de mourir dans ses bras (pour cette occasion, Bear compose un thème (figure 9) construit sur une série d’accords simples mais magnifiques dans leur enchainement) ; enfin, Leonardo, au courant du complot ourdi contre Lorenzo, lui vient en aide et demande à son fidèle ami Zoroastre de différer quelque peu le départ du bateau qu’il a affrété dans l’espoir de trouver le Livre des Feuilles dans le Nouveau Monde… Un dernier épisode riche en rebondissements, ce qui est également le cas du premier épisode de cette seconde saison. C’est, pour ainsi dire, la résolution d’un enchevêtrement de cliffhangers. Une conclusion qui démarre sur les chapeaux de roues, avec un rythme qui ne faiblira quasiment pas tout au long de ce premier épisode.

 

Dès qu’il enfourne le premier disque (il s’agit d’un double album, comme pour la saison précédente) dans son lecteur, l’auditeur est immédiatement happé par une voix angélique de soprano (celle, magnifique de pureté, du jeune Sam Bindschadler), secondée quelques mesures plus loin par une chorale féminine, restreinte mais dont McCreary tire tout son potentiel. Encore quelques mesures plus avant, le chœur fait place à un motif rythmique qui servira de base aux dix minutes foisonnantes du reste de la pièce.

 

Leonardo face à sa Némésis, le Comte Riario

 

Il serait fastidieux de recenser ici les thèmes joués dans ce Florence Under Siege (celui de Da Vinci bien sûr, mais aussi ceux des Médicis, de Riario (également associé à celui de Rome), des Pazzi, etc…). Il suffira donc de dire que le compositeur de Caprica ne s’est pas départi de sa propension à recourir à l’axiome suivant : un personnage montré à l’écran = l’exposition d’un thème (ou d’une variation). Florence Under Siege est ainsi un véritable tour de force. Le moins que l’on puisse écrire est que l’ami Bear soigne ses entrées, car le morceau aurait pu vite tourner au vinaigre avec cette richesse thématique exposée « à l’ancienne », façon succession de leitmotiv. Mais il évite le piège brillamment et accompagne les efforts de Leonardo pour sauver Lorenzo de Medicis touché à la gorge et qui se vide peu à peu de son sang. Dans Transfusion, le compositeur allie le Calder Quartet à la harpe pour mettre en place une pulsation rythmique sur laquelle un chœur de femmes, rappelant une fois de plus James Horner par son caractère éthéré, vient se greffer. La magie de ce morceau se prolonge dans le suivant, Lucrezia And Leonardo, qui est une très belle variation du thème de Lucrezia. La chorale féminine égrène les notes du thème avec une douceur quasi diaphane, le tout soutenu par des cordes légères et une harpe celtique absolument poignante. Cette mélodie reviendra en fin du second disque dans In This Waking Life, toujours interprétée par la harpe celtique avec l’adjonction d’une flute et de nappes de cordes apaisées.

 

Les ostinati (qui n’ont pas grand-chose à voir avec ceux, sans âme, des démons RCP…) ont une place de choix dans le paysage musical créé par le compositeur, notamment au début de The Voice In The Vault ou dans The Undiscovered Land. Ils donnent en quelque sorte le rythme des scènes ou l’action le dispute au suspens le plus haletant. Mais ce qui est particulièrement frappant dans ce double album, c’est la qualité (et la quantité) des longues pièces. On dénombre en effet pas moins de dix morceaux de plus de six minutes, ce qui laisse suffisamment de temps pour développer une approche thématique très structurée. Dans Palle! Palle! Palle! (le cri de ralliement des Médicis), le musicien s’amuse sur plus de dix minutes à nous entrainer dans un lancinant suspense, porté par le quatuor à cordes, puis par une section de cordes jouant tantôt tremolo, tantôt marcato, tantôt staccato. Encore une fois, notre compositeur tire le maximum du budget musique qui lui est alloué avec une maestria qui n’a que peu d’égale dans la musique télévisuelle d’aujourd’hui !

 

Deux Papes sinon rien

 

Le thème de De Vinci, écrit en palindrome (voir le précédent article consacré à la saison 1), a de belles occasions de briller de mille feux, d’abord par le biais d’une harpe celtique dans Liberta Populi, sur fond d’ostinati de cordes et de synthé-basse, ou bien encore de manière ponctuelle et triomphale dans The Test Of Worthiness (encore un morceau de près de dix minutes), lorsque Leonard réussit les épreuves censées le mener au Livre des Feuilles. Dans cette seconde saison, McCreary utilise aussi un code musical. Lorsque Leonard découvre un buste fait de cuivre (The Brazen Head), le compositeur s’attache alors a créer, par le biais de notes jouées « derrière » le discours prononcé par le mécanisme, une sorte de tapis sonore qui contient la révélation ultime, l’emplacement du Livre des Feuilles. Ce code, complexe, correspond à l’attribution d’une lettre de l’alphabet par note jouée. Un code qui n’est d’ailleurs pas l’oeuvre de McCreary lui-même, mais d’un musicologue contemporain de De Vinci nommé Bartolomé Ramos de Pareja. Les notes ainsi jouées forment les mots latins « Liber Domus Parvulus », ce qui peut se traduire par Le Livre (sous-entendu « des Feuilles ») est à la maison d’enfance. Ingénieux et moins anachronique que la version codée de Bach (où seules les douze notes d’une gamme correspondent à des lettres), ce système de codage musical permet à Bear d’être au cœur du scénario ! L’implication et le professionnalisme du compositeur suscitent l’admiration.

 

Notons qu’au rayon des nouveautés, McCreary utilise principalement des percussions péruviennes, la quena (l’intrigant thème d’Ima Kama, la grande prêtresse inca, voir figure 10) et la flute de pan pour localiser les évènements qui mènent De Vinci au Pérou (plus précisément sur les flancs de l’ancienne cité Inca du Machu Picchu). La musique qu’il compose parvient à être tribale sans être rébarbative, car le musicien s’amuse à mêler ces nouveaux instruments dans un canevas déjà bien rodé d’une écriture pour orchestre à cordes très contemporaine (assez parlant dans le long Antidote). La voix humaine (inspirée des chants Harawi) est également prépondérante dans les passages à consonance ethnique qui émaillent l’écoute, faisant naître un sentiment à la fois de terre étrangère et de sagesse ancestrale avec, il faut bien l’admettre, une certaine efficacité. Pour l’occasion, Bear McCreary emploie des chants péruviens et a fait venir leurs interprètes en studio pour pouvoir les enregistrer. Au contraire de la série, on peut dire que le compositeur est en constante recherche d’authenticité ! The Fuse vient clore ce double album absolument passionnant avec un ostinato de cordes qui reflète l’urgence de la situation : De Vinci, de retour de son périple transatlantique, voit les Ottomans aux portes d’Otrante. Sauvera-t-il l’Italie toute entière de l’invasion turque ?

 

Da Vinci's Demons (Season 2)

Christophe Maniez
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