Cloverfield (Michael Giacchino)

Un monstre attaque la ville

Disques • Publié le 13/09/2013 par

CloverfieldCLOVERFIELD (2008)
CLOVERFIELD
Compositeur :
Michael Giacchino
Durée : 12:17 | 1 piste
Éditeur : Little Jacket Music Inc.

 

4 out of 5 stars

Ramin Djawadi n’est plus autant qu’autrefois l’homme-qu’on-adore-exécrer depuis Game Of Thrones et les accents celtiques panthéonisés de son Main Title. N’empêche qu’en sortant à nouveau des cartons sa clinquante panoplie de guitariste rustaud pour écrire Pacific Rim, il n’est guère parvenu à élargir le cercle encore restreint de ses fidèles dans la communauté béophile. Maintes fois cité, le nom de David Arnold, tonitruant compositeur du Godzilla de Roland Emmerich, brillait de promesses autrement plus brûlantes. Qui mieux que lui, en effet, aurait pu donner à l’hommage (auto-proclamé) de Guillermo del Toro au kaiju eiga toute son obligatoire saveur musicale ? Oui, qui donc ? Eh bien, il se trouve qu’un homme a prouvé par le passé, de façon tout à fait indirecte, qu’il avait le cuir suffisamment robuste pour se mesurer aux monstres du cinéma japonais. Et par là même, au spectre du génial compositeur Akira Ifukube, rôdant toujours parmi les décombres des villes anéanties par Godzilla et ses semblables.

 

La démonstration de force en question est d’autant plus bluffante qu’elle est contenue tout entière dans un unique morceau, le seul que Michael Giacchino (car il s’agit bien de lui) ait eu l’opportunité de composer pour Cloverfield. Il ne pouvait de toute manière en être autrement, le principe de ciné-vérité sur lequel repose le found footage movie apocalyptique de Matt Reeves barrant l’accès à la moindre intrusion musicale. Mais quand se met à défiler le générique de fin, et que s’élèvent les premiers arpèges d’un inquiétant pupitre de cordes, plus d’un spectateur pourtant pas réceptif pour deux sous à la musique de film s’est trouvé soudain rivé à son strapontin. Aussi, comment résister à l’aura implacablement évocatrice qui nimbe chacune des dix minutes de Roar ? Ces rugissements de cuivres, formidables et omniprésents, sont ceux de la créature lovecraftienne dévastant Manhattan avec une rageuse obstination. Cette voix féminine lancinante, de prime abord hermétique à toute émotion, est le chant funèbre des New- Yorkais, qui les condamne à une fin brutale tout en leur témoignant, paradoxalement, une indicible pitié. Et cette petite, toute petite mélodie, précaire mais brave, qui réussit tant bien que mal à faire saillir au milieu du chaos le lyrisme de ses harmonies, c’est évidemment l’amour. Magnifié par Giacchino sous sa forme la plus pure, le noble sentiment exhorte les héros à aller de l’avant bien plus sûrement que la peur qui les taraude et le fracas des destructions.

 

On ne sait trop si les monstres nippons ont été une influence déterminante dans la réalisation de Cloverfield. Probablement n’ont-ils été qu’un ingrédient parmi une foultitude d’autres, au regard de cette course effrénée à une forme d’hyperréalisme dont le kaiju eiga s’est toujours préoccupé comme de colin-tampon. Musicalement en revanche, le doute ne subsiste guère. Et si l’on peut éprouver une répugnance légitime à faire parler les morts à notre avantage, eux qui ne peuvent plus se récrier des opinions saugrenues qui leur sont attribuées parfois bien témérairement, l’auteur de ces lignes est convaincu d’une chose : où qu’il ait élu domicile dans la voûte céleste, Ifukube n’a pu qu’être fier.

 

Cloverfield

Benjamin Josse
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