Kung Fu Panda (Hans Zimmer & John Powell)

La dialectique peut-elle casser des briques ?

Disques • Publié le 11/07/2011 par

KUNG FU PANDA (2008)
KUNG FU PANDA
Compositeur :
Hans Zimmer & John Powell
Durée : 60:12 | 17 pistes
Éditeur : Interscope Records

 

4 out of 5 stars

Kung Fu Panda étant une production Dreamworks, c’est inévitablement Hans Zimmer qui fait la loi. Il a donc choisi de se charger lui-même du score avec John Powell, son comparse de longue date, dont il avait chapeauté les débuts avec Face/Off (Volte/Face) avant de composer à quatre mains The Road To El Dorado (La Route d’El Dorado) trois ans plus tard. On sait que les deux artistes, chacun de leur côté, se sont illustrés à de multiples reprises dans le genre du film d’animation. Que pouvaient-ils donc encore avoir à dire ? On s’était déjà posé la question à l’occasion de la sortie de leurs derniers travaux et c’est avec plaisir qu’on s’était rendu à l’évidence : rien de nouveau mais que du bon ! Bonne nouvelle : le constat est encore plus satisfaisant pour Kung Fu Panda.

 

Certes, Zimmer et Powell ne sont pas allés chercher bien loin pour donner à leur partition toute la couleur locale voulue, ressortant l’arsenal utilisé dans The Last Samurai (Le Dernier Samouraï) et dans Pirates Of The Caribbean : At World’s End (Pirates des Caraïbes : Jusqu’au Bout du Monde). En effet, qui dit musique d’Asie du Sud-Est dit instruments à cordes spécifiques parmi lesquels le fameux ehru mais aussi flûtes exotiques, gongs et autres percussions dont les sonorités a priori insolites finissent par devenir familières à force d’être réemployées d’un score à l’autre. Mais si le résultat sonne forcément un peu cliché et nous dépeint une Chine de carte postale, allant même jusqu’à manquer de subtilité en mélangeant les influences (l’ehru chinois croise le duduk arménien, on se demande bien pourquoi), il n’en demeure pas moins une réussite car il constitue une superbe synthèse de ce qui fait le meilleur des deux compositeurs.

 

Force est de reconnaître que Zimmer a toujours brillé dans les partitions exotiques et qu’il a un grand talent pour les thèmes mémorables. De son côté, Powell a également un don pour les mélodies inspirées et dépasse de loin son aîné en ce qui concerne les orchestrations (en tout cas, il semble savoir mieux s’entourer !). Enfin, tous deux possèdent un grand sens du rythme et n’ont pas leur pareil pour concevoir des morceaux entraînants en diable. Nous défions alors toute personne normalement constituée de résister au charme ravageur du splendide Sacred Pool Of Tears, qui alterne folklore asiatique façon The Last Emperor (Le Dernier Empereur, auquel a collaboré un certain Hans F. Zimmer, drôle de coïncidence…), passages d’action ultra-percutants culminant en des sommets grisants de lyrisme et plongées salutaires dans un apaisement magique. Ce morceau de bravoure époustouflant de plus de neuf minutes vaut à lui seul l’acquisition de l’album tout entier, rempli par ailleurs de nombreuses autres perles rutilantes !

 

 

Tout au long du score, on trouve des pistes calmes et reposées évoquant une nature zen et idyllique, très inspirées par les travaux de John Williams tels Seven Years In Tibet (Sept Ans au Tibet) et Memoirs Of A Geisha (Mémoires d’une Geisha), portées par un thème principal délicat et bucolique exposé dès le début de Hero puis repris plus tard sur un mode plus solennel. Un second thème mêlant émotion et humour est également introduit dans le premier morceau et rappelle beaucoup celui d’Endurance, signe que c’est le style de Powell qui semble dominer la partition – ce que confirmeront des chœurs à la fois triomphaux et apocalyptiques intervenant à intervalles réguliers et renvoyant directement à l’aspect « hénaurme » de Horton Hears A Who! Les séquences d’action s’avèrent quant à elles particulièrement virtuoses et font de ce qui est avant tout une comédie une jouissive parodie de film épique, trouvant sa voie avec bonheur à mi-chemin entre classicisme (l’orchestre symphonique) et modernité (guitares électriques lors des combats contre Tai Lung, ou encore batteries et trompettes rappelant les meilleurs moments de la bande originale de Kill Bill).

 

Certes, on pourra trouver que cet album d’une heure finit par épuiser un peu : les scènes d’entraînement fondées exclusivement sur des percussions et des coups de gongs façon The Matrix (Matrix) présentent peu d’intérêt et les plages d’action s’enchaînent de façon quasi ininterrompue depuis Training Po jusqu’à la fin. Cependant, l’ensemble s’avère tellement enlevé, lumineux, accrocheur et généreux – bref, ce qu’on ne cesse de répéter depuis le début à propos du fulgurant John Powell – qu’on ne peut que s’incliner : la musique de Kung Fu Panda est un vrai bonheur, l’une des œuvres les plus attachantes de chacun des deux auteurs.

 

Gregory Bouak
Les derniers articles par Gregory Bouak (tout voir)