Halloween (John Carpenter)

La nuit des masques

Disques • Publié le 08/05/2010 par

Halloween Cover 2HALLOWEEN (1978)
HALLOWEEN – LA NUIT DES MASQUES
Compositeur :
John Carpenter
Durée : 51:51 | 28 pistes
Éditeur : Varèse Sarabande

 

4 out of 5 stars

Plus de trente ans après sa sortie, le chef-d’œuvre de John Carpenter, qui a traumatisé des générations de spectateurs et marqué la véritable naissance du slasher, n’a rien perdu de sa maestria technique ni de sa charge terrifiante, maintenant intact le statut de toute-puissance du boogeyman Michael Myers, probablement le plus glaçant du répertoire. Face à cette icône instantanée et désormais éternelle, Carpenter a conçu avec Laurie Strode (fascinante Jamie Lee Curtis) et le Dr. Loomis (excellent Donald Pleasence) des héros forts et crédibles, véritables Némésis du tueur auquel ils s’opposeront à plusieurs reprises lors de face-à-face dantesques.

 

Fils de musicien et musicien lui-même, John Carpenter fait partie de ces quelques réalisateurs, comme Mike Figgis ou encore Alejandro Amenabar, qui se chargent eux-mêmes de composer les scores de leurs films. Cependant, contrairement au réalisateur/compositeur de The Others (Les Autres), Carpenter ne s’est jamais attaqué à une musique orchestrale, tant par manque de maîtrise de l’orchestre que par goût pour le rock électro et par désintérêt pour la musique symphonique hollywoodienne à la John Williams. Œuvrant dans un style intimiste et minimaliste, le metteur en scène parvient à créer avec un minimum de moyens des atmosphères envoûtantes suscitant fascination et malaise. Cela est vrai en premier lieu de la partition d’Halloween, entièrement interprétée au synthétiseur et possédant pour cette raison un cachet particulier.

 

Comme il se doit au cinéma en général et dans le genre horrifique en particulier, la composition repose sur un thème principal fort, unificateur et désormais célébrissime, obsédant et traumatisant à souhait. Quelques notes de piano martelées, répétées inlassablement à un rythme haletant et stressé sur fond de boucles rythmiques grinçantes entraînent le spectateur/auditeur dans l’univers de Michael Myers, fait de folie, de peur et d’obsession. Une ébauche de mélodie en arrière-plan, plus grave, introduit quant à elle l’autre grand sentiment présent dans le film : la tristesse, voire le désespoir, ou du moins la conscience du tragique lié à l’indestructibilité et à l’éternelle résurrection du Mal. Peur et mélancolie sont de fait les piliers de toute histoire d’horreur qui se respecte et se retrouvent mêlées en permanence tout au long de la partition de Carpenter.

 

Par la suite, la musique fonctionnera avec un nombre restreint de mélodies elles aussi fondées sur la circularité, sur l’idée fixe et répétées à l’infini de l’ouverture à la conclusion : le thème de Laurie, sans doute le plus chargé en dépression et en inquiétude, reposant sur un piano et sur des sonorités proches du clavecin ancrant l’histoire dans un passé lié à l’idée de fête traditionnelle ; le motif qui précède les meurtres, lente descente aux enfers marquée par des notes de plus en plus graves et s’achevant sur un accès de violence fait de sons agressifs et crispants censés illustrer les coups de couteau ; le thème de suspense enfin, réemployé à l’envi et dont la simplicité, voire le simplisme (quatre notes, trois aiguës et brèves, une grave et longue), fait toute l’efficacité.

 

Traversé par des bruits électroniques étranges et dérangeants, d’une froideur absolue et d’une cruauté aveugle à l’instar du tueur, le score d’Halloween contribue très largement à l’ambiance absorbante et délétère du film, tout comme l’était en son temps celui de Bernard Herrmann pour Psycho (Psychose), auquel John Carpenter se réfère immanquablement. Vecteur de la terreur absolue, d’une intensité qui n’a d’égale que sa modestie et son économie de moyens, cette musique a fait date dans le genre et nécessite de longues et nombreuses écoutes – malgré la souffrance que cela peut provoquer – afin d’apprécier toutes ses qualités. Un must donc, servi par une réédition complète en 1998 (vingtième anniversaire oblige) permettant de goûter entre deux meurtres quelques savoureux dialogues, notamment ceux de l’excellent Donald Pleasence. Enjoy !

 

Halloween

Gregory Bouak
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