Twilight Zone: The Movie (Jerry Goldsmith)

The Night is Dark and Full of Terrors

Disques • Publié le 20/08/2009 par

Twilight Zone: The MovieTWILIGHT ZONE: THE MOVIE (1983)
LA QUATRIÈME DIMENSION: LE FILM
Compositeur :
Jerry Goldsmith
Durée : 79:10 | 25 pistes
Éditeur : Film Score Monthly

 

4 out of 5 stars

There is a fifth dimension beyond that which is known to man. It is a dimension as vast as space and as timeless as infinity. It is the middle ground between light and shadow, between science and superstition, and it lies between the pit of man’s fears and the summit of his knowledge. This is the dimension of imagination. It is an area which we call the Twilight Zone.

Film hommage à une série TV mythique prise en main par une génération de jeunes cinéastes admirateurs de l’univers créé par Rod Serling, Twilight Zone : The Movie (La Quatrième Dimension : le Film) a présenté une occasion unique pour un de ses compositeurs pionniers, Jerry Goldsmith, celle de travailler sur l’intégralité des quatre épisodes rassemblés en un seul long métrage, et ce faisant de revisiter vingt-cinq ans plus tard ses débuts de compositeur pour la télévision

 

Le prologue de John Landis est une bonne entrée en matière. En pleine nuit, sur une route déserte, deux personnages s’amusent à se faire peur, sur l’utilisation ironique de The Midnight Special des Creedence Clearwater Revival. Le quizz des thèmes musicaux de séries télé sert malicieusement à créer une complicité avec le public, jeune ou moins jeune, familier ou non de la série. C’est également le moyen d’évoquer le narrateur du film, Burgess Meredith. Une chose est certaine à la fin de ce prologue, dans la Twilight Zone, on ne sait jamais à quoi s’attendre…

 

Vic Morrow dans Time Out

 

Time Out, le premier épisode, propose une entrée en matière brutale. L’action fonctionnant mieux qu’un long discours, après avoir présenté brièvement la victime, un patriote raciste et aigri, envahi par le ressentiment, le voilà propulsé sans transition dans le jeu cruel de la zone crépusculaire… Dans un Paris occupé, lui, l’antisémite, est pourchassé de façon impitoyable par les Nazis. Dans le sud raciste des Etats-Unis dominé par la terreur du Klu-Klux Klan, il sera presque pendu comme les Noirs qu’il déteste. Enfin, transporté pendant la guerre du Vietnam, il sera victime, comme les asiatiques qu’il déteste tout autant, de l’agression américaine. Destin implacable, impitoyable, aucune empathie du spectateur pour ce personnage détestable (la scène de rédemption prévue ayant été abandonnée suite à un horrible accident de tournage) : Jerry Goldsmith traduit ce point de vue par un martèlement continu des percussions, du piano, des rythmes militaires ou le timbre froid du synthé. Il reste thématiquement neutre en n’immisçant aucune mélodie dans la partition. D’un point de vue musical, la petite formation (orchestre B des sessions d’enregistrement : quatre grands pianos, un synthétiseur et six percussions) est la plus proche de celles dont le compositeur disposait, petit budget oblige, pour les épisodes de la série classique. Une façon de renouer avec cette formidable école d’ingéniosité qu’ont été pour lui les contraintes de temps et de budget de l’époque radiophonique puis des programmes légendaires de la télévision en noir et blanc.

 

Kick The Can est à l’opposé total du précédent épisode. Le ton est essentiellement tourné vers l’enchantement, l’innocence retrouvée. La partition foisonne de mélodies : le thème principal, celui de la magie de Mr Bloom, joué par la harpe, est généreux et nostalgique; celui du triste Leo Conroy est une plainte de parenté classique (comme le thème de l’adagio d’un concerto de Bach) jouée par le hautbois, motif magique de la boîte de conserve, fanfare de la transformation (qui ouvre brillamment le générique de fin). Les orchestrations et l’esprit musical évoquent la féérie d’un Ravel, comme ce fut la cas ultérieurement pour The Secret Of Nimh (Brisby et le Secret de Nimh) ou Legend. Comme souvent chez Spielberg, une scène arrive à vous nouer la gorge d’émotion, comme cette séquence d’un Conroy cherchant désespérément à retrouver l’innocence qu’il refusait, implorant de partir au loin avec le désormais jeune Mr Agee, nouveau Peter Pan : zoom sur son visage, son thème joué simplement au piano, un grand moment du cinéma de Spielberg, et une parenthèse émotionnelle d’ailleurs unique dans un film dominé par l’angoisse ou l’ironie.

 

Kevin McCarthy dans It's A Good Life

 

It’s A Good Life est la version sarcastique de Peter Pan, ou plutôt une version cauchemardesque des Enfants Perdus de Neverland ! Autant chez Spielberg, le retour vers l’enfance, le syndrome de Peter Pan est un moment de félicité (bien que vécu comme une parenthèse qui s’évanouit), autant chez Joe Dante, il s’agit du regard ironique sur un univers enfantin sans règles, sans limites, ou le pire peut arriver comme dans ces cartoons omniprésents de Chuck Jones et Tex Avery diffusés sur les écrans télé de la maison d’Anthony, dont la violence perverse est révélée. Le thème de Goldsmith pour le personnage d’Helen, présentée comme une enseignante dont la vie est jusqu’ici restée bien morne, est plus impressionniste, évoquant Debussy (comme l’était le générique non utilisé d’Alien), suggérant le malaise sous jacent.

 

Les événements incroyables qu’elle vivra sont l’occasion de lâcher avec virtuosité la bride orchestrale, les effets sonores évoquant le cartoon et, de manière constante, une tension qui maintient le trouble que l’on éprouve en redécouvrant cet épisode, sûrement le meilleur du film. La musique est un moyen puissant pour exprimer les déviances psychologiques : dans ce cas précis, elle est un complément de l’hystérie visuelle composée par Dante, pas celle la caméra, mais plutôt les outrances cartoonesques des couleurs, des formes, du décor, des costumes et du jeu des acteurs. Chaque élément participe à une étrange claustrophobie. Le pacte scellé entre l’enfant terrible et l’enseignante est bien sûr un moyen de donner une fin heureuse au public, mais reste encore plus dérangeant si l’on se met à imaginer comment la jeune femme va bien pouvoir faire pour contrôler un être aussi incontrôlable et imprévisible ! L’ambiance à la Debussy revient alors, confirmant le trouble, et malgré des mesures qui supposeraient une résolution musicale et dramatique satisfaisantes, Goldsmith entretient savamment le doute. «No more tricks…» Vraiment ?

 

John Lithgow dans Nightmare At 20.000 Feet

 

Episode fiévreux réalisé par George Miller, Nightmare At 20.000 Feet est un écrin idéal pour un score maniaco-dépressif ! Les premières mesures, avec leur rythme obsédant, leur ambiance proche de Stravinsky, semblent sorties d’une scène de crime de l’un des épisodes de The Omen (La Malédiction) : cuivres bouchés, phrases brèves, on pense même à l’imminente attaque du monstrueux Alien. La partition subit les sarcasmes incessants de la danse macabre du violon, signe traditionnel qu’un être diabolique n’est jamais loin, comme lors de cette gigue infernale qui sera deux ans plus tard à l’origine du thème des Gremlins (la créature elle même étant un gremlin, celle dont parlaient les aviateurs : Joe Dante saura s’en souvenir !). Musicalement, cet épisode suit logiquement le précédent mais va beaucoup plus loin dans l’angoisse, culminant en crescendo dans un climax au bord de la rupture pour la malheureuse victime de ce segment. Le générique de fin célèbre à sa façon la fin du spectacle, citant d’abord le célèbre thème composé par Marius Constant pour la série d’origine avant de reprendre avec vigueur les thèmes principaux de Kick The Can, It’s A Good Life et Nightmare At 20.000 Feet.

 

L’album paru en 1983 n’avait connu en CD qu’une diffusion très limitée, n’ayant été édité sous ce format qu’en Allemagne et au Japon. Cette nouvelle édition remasterisée avec soin par Film Score Monthly propose l’intégralité du score dans l’ordre chronologique, agrémenté des deux chansons présentes dans le film (dont la très datée Nights Are Forever, composée par Jerry Goldsmith et arrangée par un jeune musicien nommé James Newton Howard), et du montage original sous forme de suites que l’on trouvait sur LP.

 

Twilight Zone: The Movie

David Hocquet
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