None But The Brave (John Williams)

L'élégie aux braves

Disques • Publié le 28/07/2009 par

NONE BUT THE BRAVE (1965)

L’ILE DES BRAVES

Compositeur : John Williams

Durée : 65:49 | 25 pistes

CD : Film Score Monthly

Rating: ★★★½☆

 

 

Le seul film mis en scène par Frank Sinatra est un essai plus mémorable pour ses intentions humanistes, portant un message de paix qui met à égalité les deux anciens ennemis de la guerre du Pacifique (le message final du générique, «Nobody ever wins», est assez éloquent), que pour sa mise en scène, conventionnelle et manquant de souffle. L’importance des dialogues et la simplicité du découpage dramatique et de la mise en scène pourraient en faire après tout une bonne pièce de théâtre.

 

Un écrin idéal pour Johnny Williams, lui permettant d’exercer ses muscles dramatiques sur un long métrage après de nombreuses années passées dans le milieu télévisuel et les comédies légères. Première force du compositeur : cette capacité à trouver un thème immédiatement mémorable. Celui-ci exprime ce que Sinatra veut faire passer à propos du monde militaire : virilité, noblesse, sens de l’honneur. Ce thème est avant tout celui du bataillon américain, mais le thème de l’officier japonais, certes oriental,  lui est aussi apparenté.

 

La musique de John Williams accompagne la première partie du film dans un style descriptif, parfois imitatif, mais écrite dans un style très moderne pour l’époque, proche de ce qu’André Previn ou David Raksin composaient à l’époque, et dans la suite logique de la modernité introduite par Alex North ou Leonard Rosenman. La partition combine cependant avec équilibre l’invention mélodique, l’ambiance militaire (beaucoup de caisse claire, bien sûr) et âpreté souvent dissonante (clusters, cuivres bouchés, cordes nerveuses en tremolo avec une belle variété de percussions). Les nombreux moments de tension sont souvent heurtés, virtuoses, combinant cuivres, cordes et percussions. On sent le compositeur cherchant son style dans une forme de modernité, celle de son essai pour orchestre ou de son concerto pour flûte, plus poussée que dans Star Wars par exemple.

 

Les vents aux lignes très ornementées dominent la partition. Les flûtes que l’on entend notamment pour introduire l’officier japonais soulignent son caractère à la fois noble et austère (l’écriture japonaise en elle-même n’a rien d’original, mais elle a le mérite d’être immédiatement identifiable). Les américains sont plutôt décrits dans un style americana de cordes et trompettes. Cependant le compositeur n’hésite à mélanger les palettes, à l’image de ce rapprochement américano-japonais décrit par le film.

 

Après que les deux bataillons se soient accordé par nécessité une trêve, la scène clé du film,  celle de l’amputation de la jambe du soldat japonais par le médecin américain (joué par Frank Sinatra) n’est pas mise en musique. C’est la scène de l’épreuve de confiance entre les deux camps, elle est intense et repose avant tout sur le jeu de trois acteurs.

 

La musique reprend alors son cours après ce (trop) court moment de paix entre soldats Japonais et Américains, et peut alors développer des variations autour du thème principal, celui de l’officier japonais, et travailler des couleurs instrumentales orientalisantes. Une autre scène spectaculaire, celle de la tempête, qui pousse les deux camps à unir leurs efforts, n’est pas non plus mise en musique. La partition a le mérite de s’attarder dans cette deuxième partie sur la psychologie des personnages et la rencontre des cultures, à l’œuvre malgré le contexte de la guerre.

 

Le moment où la trêve est rompue assez durement est d’autant plus poignant, après ces séquences d’humanité partagée, qu’il est accompagné d’une très belle et douloureuse écriture de cordes. Le final est absolument tragique, la guerre reprenant son cours, les deux camps s’affrontent pour la dernière fois sur l’île dans un immense gâchis humain. La scansion orchestrale et l’élégie qui la suit sont tout aussi prenants et constituent le sommet émotionnel du film et de la musique.

 

Témoignage passionnant de l’évolution du style du maestro, None But The Brave est un plaisir permanent d’écoute de par sa richesse d’écriture et son inspiration thématique. L’édition FSM, comme d’habitude très complète, présente le score complet, des bonus, la très belle version chantée du thème (couplée avec la face B de l’époque, le thème chanté de Sylvia de Raksin !) et celle interprétée au piano par Williams (le jeu et les accents musicaux ont déjà la beauté bouleversante du thème du juge Garrison dans JFK). A noter que le roi des crooners, Frankie himself, ne se donne pas le premier rôle dans le film et ne chante pas non plus son thème musical, pourtant idéal pour une chanson douce amère. L’aurait-il chanté sur scène ?

 
 
 
 
 
 

01 Main Title / Kuroki’s Introduction (3:41)
02 The Boat Detail (1:47)
03 Busy Hands / Kuroki Prepares For War / Fishing Spear (2:03)
04 Night Adventure (3:26)
05 The Enemies Repair (1:42)
06 Ship In Sight / When Enemies Meet / Okuda Whistles / Kuroki’s Challenge / Connection (7:28)
07 Brothers In Command / The Water Hole (2:59)
08 Water Logged (2:05)
09 Waiting For Battle (1:45)
10 The Dream Of Hope Is Ashes / Hirano’s Problem (4:40)
11 The Bargain / Mahoney Gets The News (1:32)
12 Uneasy Peace / Okuda And Craddock (3:49)
13 Kuroki’s Reflection (2:10)
14 Mahoney’s Reflection / Mahoney’s Analysis (3:26)
15 Okuda And The Shark (1:31)
16 Good Friends Part / Radio Contact (2:09)
17 The Separation (1:43)
18 The Final Fight / The Spirit Lives / End Cast (5:59)

 

Bonus Tracks

19 Piano Theme (1:40)
20 Word From Waikiki (1:15)
21 Kuroki’s Introduction (Alternate #1) (1:05)
22 Kuroki’s Introduction (Alternate #2) (1:05)
23 Trailer (0:48)
24 None But The Brave (Single Recording) (2:22)
25 Sylvia (David Raksin-Paul Francis Webster) (2:46)


 

FICHE TECHNIQUE


Direction d’orchestre : Morris Stoloff

Orchestrations : Al Woodbury

Prise de son : Dan Wallin

Studio d’enregistrement : Warner Bros. Scoring Stage, Burbank, CA

 

       
       
       
       
       
       
   

 

David Hocquet
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