Festival des Musiques à l’Image 2012

Zimmer, Beltrami et Bource en lettres lumineuses à l'Olympia

Évènements • Publié le 10/12/2012 par

Lorsqu’au milieu du premier semestre 2012, le groupe Audi annonçait, sans plus de précisions, la tenue, dans le cadre de ses activités de mécénat, d’un Premier Festival des Musiques à l’Image à Paris pour la rentrée suivante, le petit monde de la musique de film en France, naturellement méfiant quant aux simples effets d’annonce, restait de marbre faute de savoir sur quelles bases allait se monter un tel projet. Contacté pour en être l’un des intervenants, Stéphane Lerouge explique lui-même sa propre incrédulité : « Lorsque Jérôme Lateur, qui est l’une des chevilles ouvrières de cette manifestation, m’a cité les noms des compositeurs invités, franchement j’ai cru qu’il s’agissait d’un canular. » Et de fait, il aura fallu attendre le détail de l’annonce officielle, à la mi-septembre, pour que nous-mêmes prenions la pleine mesure de l’événement qui se profilait pour le mois suivant.

 

 

Premier acte le samedi 13 octobre avec trois master classes sur l’une des scènes de la Gaité Lyrique, dans le troisième arrondissement de Paris. C’est l’«Artist» maison qui a l’honneur d’ouvrir le bal. Comme il l’avoue lui-même, Ludovic Bource n’est pourtant pas là pour jouer au professeur. « Je ne suis pas un master, et j’étais très mauvais en classe » lance-t-il avec un sourire. On ne peut alors s’empêcher de songer à toutes ces sollicitations auxquelles le compositeur, auréolé d’une toute nouvelle notoriété, a du se plier ces derniers mois. Combien de fois a-t-il répondu aux mêmes questions, aux mêmes remarques ? Une conférence de plus, n’est-ce pas une de trop ? De fait, si la fatigue se lit sur son visage, c’est que Bource est alors en plein projet, mais pour rien au monde il n’aurait manqué ce nouveau rendez-vous.

 

Arborant un tee-shirt reproduisant une célèbre photo du tandem Hitchcock/Herrmann, manière pour lui de leur rendre hommage lors de cette journée spéciale, le compositeur multi récompensé et incontournable de cette année 2012 évoque son parcours, ses études auprès de Jean Raffray et d’Anne Magadur, ses professeurs d’accordéon et de piano à Saint-Brieuc, puis à l’ENM de Vannes. « Je ne suis pas allé très loin » confesse-t-il, « je n’ai pas de diplôme, je me suis construit un peu par moi-même, par conviction, par accident aussi sans doute. » Puis vient la montée sur Paris, le jazz au CIM et la rencontre avec Michel Hazanavicius, alors assistant-réalisateur à Canal +. Un extrait d’OSS 117 l’amène à parler de son approche : « Musicalement, on avait toujours dix ans d’avance sur l’époque mise en scène. On trichait. Même pour The Artist, on jongle avec quarante années de musique. Ce sont des films d’escrocs ! »

 

Passée une nouvelle séquence visuelle (sur l’emblématique George Valentin, morceau inspiré d’un foxtrot du milieu des années 10), le compositeur s’exprime sur l’utilisation des musiques temporaires, en particulier la fameuse Scène d’Amour de Vertigo (Sueurs Froides) : « Michel devait présenter son film et je ne pouvais pas directement travailler sur cette séquence. Je lui ai dit: « Je suis condamné, je ne peux pas lutter avec Bernard Herrmann ». Ceci dit, je suis ravi qu’on ait pu lui rendre hommage, et même si j’ai également fait une composition à la demande de Michel, je savais très bien que c’était peine perdue, que cela n’existerait pas. » Comme pour prouver le contraire, l’intermède visuel suivant présente la première partie de la séquence, diffusé deux fois consécutivement avec l’une et l’autre version.

 

 

Plus tard, Ludovic Bource est invité à interpréter au piano le morceau Comme une Rosée de Larmes, thème sur lequel est basée toute la dernière partie du film. S’ensuivent deux petites expériences destinées à illustrer le pouvoir que la musique peut avoir sur l’image, la première au travers d’une séquence montrant un membre du public filmé avant le début de la conférence et montée sur trois styles musicaux différents, le principe étant appliqué dans un second temps sur une scène du Scanners de David Cronenberg avec la musique d’Howard Shore puis un extrait d’OSS 117. La démarche n’est pas nouvelle, d’autres l’ont fait avant, y compris le compositeur lui-même lors d’un rendez-vous antérieur à Poitiers, mais l’effet est garanti et une telle expérience, simple à présenter, s’avère toujours plus parlante que bien des discours.

 

Bien entendu, pour le passionné qui a suivi de près l’aventure exceptionnelle du compositeur jusqu’au succès colossal de The Artist, sans doute n’y avait-il rien à attendre d’une nouvelle rencontre de ce genre sinon le plaisir de (re)voir l’homme s’exprimer avec humour et bienveillance face à un public attentif qui sera convié à poser quelques questions. Un spectateur fait d’ailleurs précisément remarquer le cachet particulier des prises de son dans les enregistrements du musicien. « C’est parce que je n’enregistre que très rarement les musiciens séparément, hormis les solistes. Ils sont dans une même pièce et on choisit en général un vieux théâtre, un studio mythique ou ancien dont on va utiliser énormément les réverbérations. Je n’aime pas trop les effets ajoutés par la suite et je respecte les qualités d’interprétation de l’orchestre. Sur le premier OSS, on a enregistré avec le Metropole Orchestra en Hollande, et là-bas ils ne me donnaient pas la permission de partir avec les pistes séparées. L’orchestre avait vraiment sa couleur et on n’avait pas le droit de changer les réverbérations, c’était contractuel. Parfois, pourtant, il avait un son trop eighties et j’ai demandé à avoir les moyens d’enlever certaines brillances. Sur The Artist, j’avais mis un tryptique de micros à ruban derrière le chef, et j’ai beaucoup utilisé ces ambiances-là. »

 

C’est dire si les spectateurs, qui pour une large majorité découvrent le musicien pour la première fois, ressortent d’autant plus ravis que la séance leur a bel et bien été instructive et qu’elle a été parfaitement menée par Stéphane Lerouge, tout à fait à son aise lorsqu’il s’agit d’animer de manière posée un tel rendez-vous en compagnie d’un invité aussi chaleureux. « Merci de nous faire partager votre expérience, c’est vraiment passionnant » dira même un jeune homme dans la salle. L’essentiel est bien là.

 

 

Changement d’ambiance toutefois avec l’arrivée sur scène du premier invité américain de l’après-midi. S’il est d’un abord tout à fait charmant, Marco Beltrami est avant tout une personnalité très secrète et privée qui, à l’évidence, ne goûte que très difficilement l’exposition publique. Il parle peu, à tâtons, comme s’il cherchait à épurer ses réponses au maximum, se contentant même parfois d’une simple formule excessivement laconique. Dans son introduction, Stéphane Lerouge semble avoir trouvé des mots justes : « Vous savez qu’à Hollywood » explique-t-il, « il y a toujours eu des compositeurs disons conventionnels et aussi, surtout à partir des années 50, des compositeurs qui ont donné des coups de pied dans la fourmilière, qui ont essayé de casser le moule, d’écarter la fenêtre du conformisme. Ce sont Bernard Herrmann, Alex North, plus tard Jerry Fielding, Lalo Schifrin ou évidemment Jerry Goldsmith, compositeur tout terrain mais qui a eu des coups d’éclat absolument sublimes. Celui qu’on accueille aujourd’hui est vraiment le digne héritier de cette constellation de compositeurs, quelqu’un qui se situe sur une ligne d’équilibriste entre des blockbusters et des films plus fragiles et secrets, quelqu’un chez qui il existe une sorte de contraste entre sa douceur, sa timidité apparente, et l’intensité de son monde intérieur. »

 

C’est avec un extrait de The Good, The Bad And The Ugly (Le Bon, la Brute et le Truand), partition d’Ennio Morricone qu’admire particulièrement le compositeur, que s’ouvre la master class de Beltrami. Il aborde les cours suivis une année durant auprès de Goldsmith avant d’évoquer sa première grande partition pour Scream et ses contributions au genre horrifique, occasion de rappeler qu’en vérité il n’aime pas ces films en tant que spectateur, mais qu’en revanche « sur le plan musical ils sont souvent excessifs, vous n’avez pas besoin d’être réservé. Cela procure beaucoup de plaisir. » Avec The Three Burials of Melquiades Estrada (Trois Enterrements), les choses changent : « Pour la première fois, j’ai senti vraiment que j’avais là un film où je pouvais explorer un monde sonore ». Et d’expliquer son travail singulier de percussion avec des épines de cactus et les effets que son approche aura sur la suite de sa carrière : « Une conséquence directe est d’avoir été choisi pour m’occuper du western 3h10 To Yuma (3h10 pour Yuma) puis, plus tard, The Hurt Locker (Démineurs). »

 

 

Voilà qui amène immanquablement Stéphane Lerouge à porter la conversation vers In the Electric Mist (Dans la Brume Électrique), invitant bientôt Bertrand Tavernier, assis dans la salle, à rejoindre la scène : « C’est en voyant le générique de Trois Enterrements que j’ai eu immédiatement le désir de travailler avec Marco » explique le réalisateur. « Vous avez l’impression d’une musique où chaque note compte et qui traduit le monde intérieur du film. » Ensemble, ils s’attardent longuement sur une collaboration qui semble avoir comblé les attentes artistiques de Beltrami au plus haut point. Un extrait du film qui laisse entendre un travail de placement minutieux de la musique et du son permet au compositeur de se confier un peu plus : « Je pense que la musique de film ne se résume pas aux moments où les notes doivent être jouées. Dans cette séquence, lorsque la musique s’interrompt, ce n’est pas pour moi la fin du morceau. D’un point de vue dramatique ce qui suit relève du même sentiment. En tant que spectateur, vous ne ressentez pas que la tension s’arrête là, et au contraire tout cela s’inscrit dans une continuité et fait partie du même morceau. C’est quelque chose vers laquelle j’ai vraiment pu aller dans ce film, traiter le monde sonore comme une partie intégrante de la partition… »

 

Au hasard de questions posées par le public, Marco Beltrami évoque brièvement sa collaboration avec Guillermo del Toro sur Hellboy et sa rencontre avec Buck Sanders en 1997, un partenariat essentiel qui lui a permis d’associer la technologie et les ordinateurs (auxquels il n’entend pas grand chose, contrairement à Sanders) à sa manière très traditionnelle de composer, à l’ancienne, papier et crayon en main. Bertrand Tavernier, quant à lui, conclut en affirmant avoir la certitude de pouvoir retravailler avec lui dans un avenir proche.

 

 

C’est « le compositeur de la jeunesse et de la modernité », honoré d’emblée d’une standing ovation, qui vient enfin s’installer dans le fauteuil face à Stéphane Lerouge. Contrairement à Beltrami, Hans Zimmer paraît être –  et ce n’est une surprise pour personne –  tout à fait dans son élément face à un auditoire. A son tour il évoque ses débuts et l’influence bénéfique et décisive qu’a eu le film A World Apart (Un Monde à Part) sur sa carrière. Après une intervention audio désopilante et inénarrable d’un Michel Polnareff plus extra-terrestre que jamais (lequel a croisé le chemin du compositeur, alors simple programmeur, à l’occasion de l’album Bulles en 1981), Zimmer donne des détails sur sa relation avec Barry Levinson sur Rain Man, puis avec Ridley Scott sur Black Rain : « La projection test ne s’est pas bien passée » se rappelle-t-il, « c’était mon second film à Hollywood et je ne me sentais pas encore en confiance. En sortant de la salle, le producteur a hurlé sur moi devant tout le monde et je me suis évanoui ! Je prends tout ce que je fais avec beaucoup de sérieux. » Abordant The Lion King (Le Roi Lion), il évoque longuement le travail avec Lebo M, le souvenir de son père (disparu très tôt) et l’influence que cela a eu sur son approche. « Je ne souhaitais pas travailler pour un film d’animation Disney » ajoute-t-il, « parce que la plupart s’apparentent à des comédies musicales de Broadway, et je n’aime pas du tout ça. Mais à ce moment-là, ma fille était âgée de 6 ans, et je ne pouvais jamais l’emmener à une première de l’un des films sur lesquels je travaillais. Alors je me suis dit que si je faisais celui-là, je pouvais lui montrer que j’étais un papa cool ! »

 

The Thin Red Line (La Ligne Rouge) est ensuite un autre jalon important de sa carrière, impossible à éluder. A la question de savoir comment il a réussi à gérer les demandes d’un metteur en scène comme Terence Malick, le compositeur répond avec un sourire malicieux : « Très simplement, vraiment. Parce que savez-vous quels étaient son film et sa musique préférés ? The Lion King. » De fait, il affirme avoir eu avec Malick une relation qui est celle de véritables frères, et une expérience qui l’a profondément marqué : « Ça a beaucoup changé ma manière d’écrire par la suite. La fonction de la musique de film n’est pas de vous dire ce que vous devez ressentir : elle doit avant tout vous inviter à ressentir quelque chose. The Thin Red Line est un film qui pose des questions sans jamais y répondre. La musique devait faire la même chose. » Mais après un tel investissement artistique, comment passe-t-on aux films d’un réalisateur tel que Michael Bay ? « Vous savez, nous avons ici une conversation sérieuse à propos d’art, de cinéma. Mais nous avons tous également des plaisirs coupables et parfois il est amusant d’envoyer tout balader ! Avec Michael, je n’ai pas besoin d’être profond ou sérieux, c’est comme une bonne virée entre mecs, et c’est très important aussi dans la vie. »

 

C’est d’une manière similaire qu’il résumera plus tard son travail avec Guy Ritchie sur Sherlock Holmes, au détour d’un clip plein de bonne humeur présentant le thème principal : « Sur ce film, on s’est fait plaisir, et nous avions trop bu, je l’admets ! Nous n’étions pas en train de faire un film artistique, nous voulions que les gens prennent beaucoup de plaisir, que la musique soit fun et que les musiciens prennent eux-mêmes beaucoup de plaisir à la jouer. » En vieux routard malin qui a su se rendre incontournable à Hollywood, Zimmer s’emploie ainsi à relativiser bien des choses : « Pour tout compositeur, le premier jour où il travaille sur un projet, ce qu’on vous demande est toujours pareil : « Nous voulons quelque chose de nouveau. » Mais qu’est-ce que cela signifie ? Alors on fait cette chose nouvelle et ils vous disent : « Vous savez, finalement nous ne sommes pas trop sûrs, pouvez-vous faire ce qui a donné ce gros succès la semaine dernière ? C’est assez nouveau pour nous… » »

 

 

Finalement interrogé sur le travail collectif au sein des studios Remote Control, le compositeur prône l’évidence : « Quand vous travaillez seul dans votre coin, et que vous développer des idées un peu folles et dangereuses, il y a toujours ce petit ange sur votre épaule qui vous dit :  » Ne fais pas ça… » Si vous avez autour de vous des musiciens, une équipe créative, ils peuvent vous encourager, vous donner la permission d’aller dans cette direction. Parmi les gens avec qui je travaille, c’est tout sauf une dictature. Quant je commence à écrire, je fais généralement une longue suite où je mets toutes les idées qui me viennent, ça devient l’ADN du projet. Je n’ai alors pas envie d’avoir l’avis de qui que ce soit, mais arrive le moment où il faut que j’ouvre ma porte et que je laisse les autres rentrer pour qu’ils contribuent. Je n’aurais jamais écrit la musique de Sherlock Holmes de la même manière si Aleksey Igudesman n’avait pas été là pour jouer du violon comme il le fait ou si Davey Johnstone au banjo n’avait pas été là. J’ai vraiment écrit cette musique pour Davey, et s’il n’avait pas été disponible, j’aurais écrit une musique différente. »

 

Une fois de plus, la séance se conclura avec des questions issues du public. On savait déjà que Zimmer est un bourreau de travail qui se donne corps et âme à son métier. Il s’en explique à sa manière : « Je suis très chanceux de gagner ma vie comme musicien. Ma vie entière tourne autour de la musique et je suis quelqu’un de réellement très ennuyeux en-dehors de cela. Il y a plein de choses que je ne peux pas faire. Si vous voulez connaître une expérience de mort imminente, laissez-moi vous conduire en voiture ! Je ne peux pas conduire ! Toutes ces choses banales que les gens font, je ne les fais pas. Mon idée du shopping, si j’ai besoin de nouvelles chaussettes, c’est amazon.com ! Je ne m’arrête de travailler que lorsque je tombe de fatigue, et alors je rentre à la maison, une idée me vient, je m’endors et j’en rêve, je me réveille et je retourne travailler ! Et si quelqu’un me fait remarquer qu’aujourd’hui c’est dimanche, je réponds : « Quelle différence ?  » ».

 

Finalement, Hans Zimmer rejoint le piano installé sur scène à l’invitation de Stéphane Lerouge qui venait de lui donner le choix entre regarder un dernier extrait de l’un des films sur lesquels il a travaillé et interpréter quelque chose en direct. « Je ne pense pas que ce soit une option, c’est plutôt un challenge ! » lance-t-il d’une voix sonore en regardant une salle effervescente. « Et merde… » s’empresse-t-il d’ajouter avec un sourire résigné, pris au piège. « Dieu que je déteste ça ! » Quelques notes de The Dark Knight Rises, voilà qui pourtant forme un ultime cadeau très apprécié du public.

 

Ainsi s’achèvent trois master classes qui, chacune à leur manière, auront permis trois inestimables rencontres avec des compositeurs aux styles, aux approches et aux personnalités totalement différentes. Bien sûr, on pourra toujours regretter qu’il n’ait été possible d’entrer plus profondément dans les processus créatifs de chacun et/ou d’explorer plus méthodiquement leurs filmographies respectives : ce n’est par exemple qu’à la demande d’un spectateur que Zimmer parle brièvement de sa pourtant célèbre musique pour Gladiator. Mais Stéphane Lerouge avait au préalable lui-même annoncé la teneur de ces rendez-vous : « Nous avons conçu ces trois master classes comme un genre de promenade ludique, conviviale, sentimentale dans le parcours des compositeurs invités. » Contrat parfaitement rempli donc.

 

 

Le second acte du festival prend place le lendemain soir sur la scène de l’Olympia. Il faut d’abord avouer que voir les noms de Bource, Beltrami et Zimmer inscrits en lettres lumineuses sur la devanture de la salle mythique de Bruno Coquatrix a quelque chose de particulièrement réjouissant. A l’intérieur, de nombreux invités et un public enthousiaste est venu assister à une soirée de gala présentée par l’ex-Madame Cinéma de Canal+, la très people Isabelle Giordano.

 

Le programme musical s’ouvre sur un court extrait tiré de Insight, une partition orchestrale pour cordes, piano, marimbas, vibraphone et percussions signée Pascal Lengagne, lauréat du Audi Talents Award Musique en mai 2011 et qui, pour une année entière, est devenu le responsable de l’habillage sonore de la marque. La pièce, tout à fait charmante au demeurant, est malheureusement trop courte et semble n’être là que pour introduire la suite. Car en cette première partie l’heure est avant tout aux invités américains.

 

Marco Beltrami, d’abord, a élaboré spécialement pour cette soirée une très belle suite de concert de près d’une quinzaine de minutes dont l’ambition est de laisser entendre un panel d’extraits le plus large possible dans le temps imparti. S’enchaînent ainsi parfaitement, synchronisés avec un montage vidéo, Chicago 2035 de I, Robot, le (vibrant) Father’s Funeral de Hellboy suivi de Chased By A Bug de Mimic, Organ Grinder et Slow Dingo de I Am Dina (Dina), Door Jam de Knowing (Prédictions) et à nouveau Mimic et son End Credits (accompagnant curieusement des images de Terminator 3). L’interprétation de l’orchestre est impeccable et c’est du coup un sentiment étrange qui s’impose à l’accord final, celui de n’avoir eu le droit qu’à un simple avant-goût d’un concert beaucoup plus complet. Magnifique donc, mais également incroyablement frustrant.

 

 

Avec Hans Zimmer, les choses sont beaucoup plus simples : si le temps qui lui est alloué est sensiblement le même que son confrère, deux morceaux seulement ont été retenus, la lente et engageante montée en puissance du Chevaliers de Sangreal de The Da Vinci Code et une suite sympathique, mais parfois un tantinet poussive, tirée de la partition de Pirates Of The Caribbean : At World’s End (Pirates des Caraïbes : Jusqu’au Bout du Monde). « J’adorerais faire plus de concerts » avouait le compositeur la veille, « mais je n’ai vraiment pas le temps. L’autre raison est que je n’écris pas de la musique pour le concert. Par exemple, pour demain il a fallu que je retourne aux partitions et que je réécrive l’ensemble pour que ce soit interprété par un orchestre conventionnel. C’est très long. »

 

Finalement, les deux compositeurs monteront sur scène pour dire quelques mots et recevoir l’ovation du public ainsi que les honneurs de la ville de Paris par l’intermédiaire de Lyne Cohen-Solal, adjointe au Maire de Paris notamment chargée des manifestations artistiques.

 

 

Quelques rafraîchissements plus tard, le temps d’un court entracte, nous retrouvons sur scène l’orchestre de Paris au grand complet pour la pièce de résistance attendue. La mode étant ces dernières années au ciné-concert, quel meilleure opportunité que d’appliquer la formule à un film (presque) entièrement muet comme The Artist ? Celui-ci permet d’ailleurs dans les premières minutes une mise en abyme saisissante du spectacle qui s’offre à nos yeux au travers de ces plans montrant la projection du film dans le film avec vues sur l’orchestre et réactions des spectateurs. Voilà qui n’aura sans doute échappé à personne.

 

« Nous avons la chance de faire des concerts » expliquait la veille Ludovic Bource, « et j’avais à cœur de pouvoir y participer avec notre chef d’orchestre Ernst Van Tiel qui a également contribué à l’enregistrement du film. Je me suis remis à travailler et même à améliorer certaines parties pour accompagner les musiciens sur certaines dates. C’est une grande opportunité pour moi car même si j’ai un certain niveau de piano, je ne suis pas concertiste. » Si le compositeur semblait alors un peu anxieux, le concert proprement dit s’avèrera être un véritable succès. Déjà, lors de la répétition générale l’après-midi même, la direction du néerlandais Ernst Van Tiel, minutieux dans chaque ultime recommandation, laissait présager d’un très grand moment de musique.

 

 

De fait, le Paris Symphonic Orchestra, constitué d’interprètes chevronnés issus de plusieurs formations françaises parmi les plus prestigieuses (Orchestre National de France, Opéra de Paris, Orchestre Philharmonique de Radio France et Orchestre de Paris, excusez du peu), livrera en ce dimanche 14 octobre l’un des plus beaux concerts que nous autres, férus de musique et de cinéma, avons pu entendre dans la capitale et même ailleurs. Le public ne s’y trompe pas, qui acclame chaleureusement, au terme des 1h40 de projection, un Ludovic Bource particulièrement heureux et profitant fièrement de chaque applaudissement, saluant de la scène la mezzanine de l’Olympia, honorée de la présence du réalisateur Michel Hazanavicius, de l’actrice Bérénice Béjo et du producteur Thomas Langmann.

 

Pour tous, nul doute que ce Festival des Musiques à l’Image de Paris est une franche réussite. Il reste désormais à souhaiter de tout cœur que cette première aventure ne soit pas la dernière. Devons-nous d’ores et déjà prendre rendez-vous pour l’année prochaine ? Espérons que oui !

 


Chaleureux remerciements à Jérôme Lateur, Clémentine Duguay, Stéphane Lerouge ainsi qu’à toute l’organisation des Audi Talents Awards et de l’Olympia.

 

Florent Groult
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